Les Animaux Fantastiques
Tome 3


Chapitre vingt-trois

  Thésée reprit connaissance lorsqu'une main rencontra sa joue. Il dut secouer la tête pour se remettre les idées en place, ne sachant pas du tout où il se trouvait, mais il vit rapidement un homme - le père de Jenny - devant lui. Ce dernier venait probablement de lui mettre un soufflet pour lui faire reprendre conscience, semblant impatient.

  — Ce n'est pas trop tôt, ronchonna le vieil homme. Je commençais à me demander si je n'allais pas choisir pour toi et te tuer pendant que tu étais inconscient.

  L'Auror ne répondit pas.

  — Tu es aussi bavard que ton frère. Cela m'étonne. Ma fille, que la femme que tu aimes a envoyée à Azkaban, m'avait pourtant dit que tu était plus loquace.

  — Il serait idiot de parler pour ne rien dire, Mr Wright. Et je crois que ce n'est pas rien dire que d'admettre que votre fille est exactement là où elle doit se trouver. Et remerciez-moi de ne pas vous mentir. Car, même si la vérité fait mal, le mensonge détruit.

  Le vieil homme ne sut pas quoi dire, serrant les dents pour se retenir de s'énerver.

  — Vous avez perdu votre langue ? Le comble, s'amusa Thésée.

  — Jamais je n'aurais pensé que tu agirais ainsi, Thésée Dragonneau, chef du bureau des Aurors du Ministère britannique de la Magie. Je me demande d'ailleurs combien de temps ils mettront pour lancer une équipe à votre recherche. En ce qui concerne Aysha, cependant, je crois qu'ils seraient tous ravis de s'en débarrasser.

  — Fermez-la.

  — Oh, mais je ne fais que dire la vérité, Thésée. Je pensais que c'était ce que vous vouliez.

  — Ce n'est en aucun cas la vérité, rétorqua l'Auror. Vous y croyez peut-être, mais ce n'est pas la vérité.

  — Pourtant, Aysha est bien ce qu'elle est. On ne peut changer sa véritable nature. Et Aysha est destinée à être le mal.

  — C'est là que vous vous trompez, Mr Wright. Aysha a été plongée dans les ténèbres, c'est vrai. Quiconque la regarde brièvement verra ce qu'il veut voir : une personne habitée par le mal. Mais vous ne comprenez pas une chose... Le seul moyen d'aller vers le haut, est d'avoir été plongé dans les ténèbres. Alors, oui, Aysha a peut-être fait du mal, mais sa lumière n'en est que plus grande.

  — Tu l'aimes, ça, c'est certain. C'est sûrement pour cette raison que tu refuses de voir la réalité.

  — Aysha aurait pu tuer votre fille. Elle ne l'a pas fait. Et pourtant, si elle était vraiment habitée par le mal comme vous le dites, elle n'aurait eu aucune raison de se retenir de le faire. Jenny nous a tous trahis. Jenny a tué mon père. Je la hais.

  — Aysha aussi a tué.

  — Non.

  — Bien sûr que si. N'a-t-elle pas provoqué cette crise cardiaque à son défunt époux ? N'a-t-elle pas brûlé vif celui qui avait été responsable de la mort de son seul ami à Durmstrang ? N'a-t-elle pas poussé sa seule amie de Beauxbâtons à se suicider ?

  — En aucun cas tout cela était volontaire.

  — Ce n'est pas problème. Elle l'a fait. C'est tout. C'est sa véritable nature. C'est ce qu'elle est. Et tu refuses de le voir.

  — C'est vous qui refusez de voir qui elle est réellement.

  — Si tu ne veux pas nous croire, tu seras forcé de le constater dans quelques instants.

  Thésée fronça les sourcils, surpris.

  — Maintenant, daigne répondre à ma question. Vas-tu nous rejoindre ou vas-tu mourir ?

  L'Auror fixait l'homme face à lui. Il n'eut pas besoin de réfléchir :

  — Je préfère mourir que me battre contre mes propres valeurs.

***

  Kama serra les dents lorsqu'il vit John Brown assis non lui de lui. Il avait entendu parler de cet homme, et pas en bien. Lorsqu'il avait été prisonnier de Grindelwald, c'était lui qui leur apportait leurs repas. C'était tout juste s'il ne les jetait pas sur le sol, comme s'ils étaient des animaux.

  — Je ne suis pas habile en ce qui concerne les mots, fit soudainement le vieil homme. Alors je serai rapide.

  — Je vous en prie, railla Kama.

  — Le choix est simple. Ou vous nous rejoignez. Ou vous mourez.

  Kama ne répondit rien. John le dévisagea, s'impatientant rapidement.

  — J'attends une réponse.

  — Je n'ai pas envie d'en donner une.

  — Vous voulez rire ?

  — Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moment pour rire, Mr Brown, ironisa le sorcier. À moins que ce ne soit absolument nécessaire pour vous.

  — Je... hésita le vieil homme, ne comprenant visiblement pas que Kama se jouait de lui. Bien sûr que non. Je n'ai pas plus envie de rire que vous.

  — Nous voilà d'accord sur ce point.

  — Ça n'empêche que je veux une réponse.

  — Vouloir est une chose. Le mériter en est une autre.

  — Je doute que vous soyez le mieux placé pour vous montrer aussi sarcastique.

  — Vous pensez me faire peur ? se moqua Kama. Parce que franchement, c'est raté.

  — Votre demi-sœur s'est montrée moins indécise lorsqu'elle s'est sacrifiée pour tous vous sauver.

  Un silence. Cette fois, Kama ne sut pas quoi répondre. John s'en amusa, ajoutant :

  — Leta vous manque à tous, n'est-ce pas ? Sa perte était terrible. Pour vous, évidemment. Moi, je m'en contrefiche. Elle était tout ce que je détestais. Elle était comme Aysha en même temps.

  — Ne la comparez à personne.

  — Je pensez que vous la détestiez.

  — Je la détestais jusqu'à ce que je comprenne que son père – cet homme qui m'a pris ma mère - ne l'aimait pas. C'est vrai, je la haïssais, car je pensais qu'elle était en partie responsable du départ de ma mère. De sa mort. Mais je me trompais.

  — Je ressens tant de culpabilité en vous. Il serait peut-être mieux pour vous que vous l'oubliez. Sans l'avoir connue, vous ne pourrez souffrir de sa perte.

  — Non, répondit fermement Kama. Je préfère souffrir en me souvenant d'elle qu'être heureux en ne sachant pas qui elle était. Elle fait partie de moi. L'oublier, ce serait me séparer d'une part de...

  — Vous-même. Il est étonnant de voir à quel point ce que vous dites ressemble à ce qu'a pu dire Aysha il y a quelques temps. Et, pour le coup, elle parlait de Simon Taylor. Une drôle de comparaison. Leta et Simon étaient bien différents pourtant.

  — Rien ne les unissait, répondit le sorcier en serrant les poings. Ne la comparez jamais à cet homme.

  — Pourtant, Leta a probablement fait autant de mal à Aysha que Simon en a fait.

  — NE LA COMPAREZ PAS À CE MONSTRE ! hurla Kama en s'approchant de lui jusqu'à le pousser contre le mur.

  — Très bien, très bien, fit John sur un ton léger, se détachant sans mal de l'emprise du sorcier. Vous formez un groupe excellent. Un magizoologiste complètement dans la lune, un barman rongé par les remords et le deuil, une Auror au cœur de pierre, un chef du bureau des Aurors complètement aveugle à aimer un monstre, une cinglée qui est aussi une meurtrière et un homme hantée par le souvenir de sa demi-sœur. Et vous pensez pouvoir nous battre alors que votre seule force va nous rejoindre ?

  — Aysha ne vous rejoindra pas.

  — Tiens, voilà que vous éprouvez de bons sentiments envers elle maintenant. Je pensais que vous la détestiez.

  — Je me trompais aussi.

  — Beaucoup d'erreurs alors, s'amusa John. Mais vous aviez raison de la détester. Elle n'est rien d'autre qu'une folle à lier. Et quand elle se rangera finalement de notre côté, vous regretterez ne pas avoir continué à la haïr.

  — Je vous hais, Mr Brown. Et vous n'avez rien en commun avec Aysha. Oui, je l'ai détestée. Et oui, je me trompais. Parce que vous vous trompez. C'est vous qui êtes fou. C'est vous le monstre. Vous l'avez brisée. Vous l'avez torturée. À quel prix ? Pourquoi ? Par peur ? Auriez-vous eu peur d'une gamine que vous avez adoptée ? Ou alors, était-ce simplement du plaisir ?

  John lui lança un regard noir.

  — Pourquoi ne pas l'avoir tuée directement si vous la détestiez vraiment ? demanda subitement Kama. Ça aurait été plus simple pour vous.

  Le vieil homme resta silencieux, mais ses yeux semblèrent parler pour lui, car Kama reprenait bientôt, semblant avoir compris quelque chose :

  — Vous l'aimiez. Vous ne pouviez pas la tuez, car vous l'aimiez trop. Mais vous ne pouviez pas ne pas la torturer, car vous ne l'aimiez pas assez. C'est ce que vous vouliez. Vous vouliez la tuer. Pour le bien de Grindelwald. Mais vous n'en avez pas eu la force.

  Un sourire étira les lèvres du sorcier et John sembla retrouver subitement l'usage de la parole :

  — Je repose ma question différemment. Dites clairement que vous nous rejoignez ou mourrez.

  Kama ne répondit rien. Le vieil homme serra alors la baguette qu'il tenait dans sa main – celle de son interlocuteur – et sourit avant de marmonner :

  — Ce sera la mort, dans ce cas.

  Il leva la baguette vers Kama et celui-ci se prépara. Mais il fut surpris de voir que ses mains se lièrent dans son dos. John s'approcha alors et murmura :

  — Mais ce n'est pas moi qui vais vous tuer.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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