Texte écrit dans le cadre d'un devoir de français où nous devions prendre la photographie "La Voiture fondue" de Robert Doisneau et nous mettre à la place d'un des enfants de la photographie qui raconte un souvenir où la scène sur la photo est mentionnée.

VOYAGE IMAGIGUERRE

Je me souviens, il y a bien des années, alors que j'étais encore un petit garçon aux cheveux blonds et au visage rebondi, lorsqu'avec mes amis, nous nous échappions un moment de la réalité de la guerre. Nous plongions dans nos jeux d'enfants, incompréhensibles pour les adultes. Cela faisait déjà cinq ans que ce conflit avait commencé, même s'il paraissait beaucoup plus long et les bombardements ne semblaient vouloir cesser de retentir. Si les larmes et la peur traversaient toujours mon visage d'enfant, il arrivait parfois qu'un sourire étire mes lèvres et que je devienne ivre de joie. Je me souviens de ce jeu avec mes fidèles amis, sur ce champ de ruines, qui transformait notre peine en euphorie collective. Nous nous rendions, lorsque le calme se faisait plus dense, au milieu d'une ancienne route où trônait une carcasse de voiture au milieu de débris. Paul, le plus âgé d'entre nous, s'écriait alors de monter sur ce "bateau" pour trouver un maximum de trésor. Nous nous ruions sur le véhicule en criant et riant, se poussant et se dépassant. L'aîné s'installait toujours sur la carrosserie dans sa position de capitaine, à ses côtés, son jeune frère, Pierre, qui était chargé de la communication.Moi, je m'installais à l'arrière, comme un simple passager, Rose, assise à ma gauche, observait un horizon que seuls ses yeux pouvaient voir. Enfin Hugo, devant moi, surveillait nos arrières. Je riais aux cris joyeux de l'unique fille de notre compagnie et bientôt un écho aussi doux que le chant d'une cascade, retentissait dans nos oreilles. Paul se levait et criait à pleins poumons pour faire fuir les requins ... C'est ce qu'il nous disait. Et alors que nous nous amusions à imiter des cris de terreur, Hugo sautait de la voiture et nous surprenait en criant, nous faisant sursauter. Pierre parlait d'une langue de sa composition dans un appareil fait de branches entremêlées. Rose nous racontait des histoires de son babillage involontaire et je me contentais d'écouter d'un air absent. Le monde autour de moi ne ressemblait plus à ce que tout le monde voyait. Ce n'était plus une ville en ruine, si silencieuse et bruyante à la fois. C'était une mer paisible regorgeant de poissons en tout genre. Le vent apportait la douce odeur salée de cette vaste étendue d'eau. Nous voguions dans une ambiance décontractée, dans un monde que nous étions les seuls à connaître. Lorsque le soleil descendait, Paul annonçait le retour à la réalité et dans un silence religieux, nous amarrions notre jeu sur terre et redevenions des enfants de la guerre. Le bonheur s'était éteint, mais nous amenions le plus beau trésor que nous, pirates imaginaires, avions eu la chance et la force de trouver : celui d'un moment de joie dans la peine, de rires au milieu de larmes, mais surtout la paix durant la guerre. Et nous rentrions non tristes, non heureux, juste mélancoliques. Et là, sur mes fines lèvres se dessinait un nouveau sourire, le dernier avant le prochain voyage...

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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