Texte écrit pour le brevet blanc de mon collège où je devais me mettre à la place du narrateur et raconter une scène où il partage avec sa mère le plaisir de lire.

CHASSEUR DE MOTS

Mon livre à la main, j'entrai dans la cuisine où ma mère découpait des légumes.

« Encore en train de lire ? Marmonna t-elle en me voyant arriver du coin de l'oeil.

- De survivre, tu veux dire, répondis-je d'un air hautain.

- Pardi ! En quoi lire te permet-il de survivre ? Travailler à l'école est bien suffisant pour un jeune garçon. Regarde ton père.

- C'est bien pour cette raison que nos poches sont vides d'argent ? Ironisai-je sur un ton innocent. »

Mon ascendante me lança un regard noir, arrêtant un instant ce qu'elle faisait. Je lui rendis et posai le livre devant elle, afin qu'elle puisse en lire le titre. La couverture paraissait miteuse, mais cela n'enlevait rien à mon plaisir quant à sa lecture.

« Tu veux quoi au juste ? Railla ma mère en recommençant à couper des carottes.

- Je veux te prouver que ce livre peut t'apporter ce qui te manque dans la réalité.

- Tu crois que lire qu'un riche donne de l'argent aux pauvres nous permettra d'en avoir nous aussi ?

- Non, répondis-je fermement, mais cette action, même uniquement lue, nous procure le bonheur et l'espoir, qu'un jour cela pourrait arriver.

- L'espoir ? C'est tout ce que cela donne ?

- N'est-ce pas suffisant pour toi ? M'étonnai-je en reprenant mon livre ? Très bien, alors, que ferais-tu si un inconnu t'abordait dans la rue et qu'il te demandait ou tu allais ? »

Ma mère afficha un air surpris, surprise qui se transforma en réflexion.

« Je ne sais pas, fit-elle après quelques secondes.

- Dans ce livre, tu es une jeune fille et l'inconnu est un loup. Tu te rends chez ta grand-mère. Et si le loup se montrait gentil, adorable et attentionné, que ferais-tu ?

- Tu m'embêtes avec tes questions ! Cria-t-elle en donne un violent coup de couteau.

- Si tu disais qui tu allais voir et où, il irait à cet endroit avant toi et mangerait ta grand-mère.

- Ce n'est rien d'autre qu'un conte pour enfants !

- Et que font les enfants ! Continuai-je en m'approchant de ma mère.

- Ils m'embêtent visiblement !

- Ils apprennent, rétorquai-je sur un ton sec, agacé par le comportement de ma mère. Ils apprennent à vivre. Mais jamais à l'école on nous apprend à faire attention à ce qu'on dit, lorsque la gentillesse et l'attention sont de la partie, à surmonter le dureté de la vie.

- Es-tu en train de me dire que les livres sont de meilleurs professeurs que ceux de l'école ? Marmonna t-elle le regard noir. »

Je la fixai quelques instants. Je ne cherchai pas mes mots, mais plutôt comment les dire. J'avais l'impression d'apprendre à un enfant à quoi servait une fourchette.

« Disons plutôt que la lecture est l'école de l'espoir, finis-je par dire calmement, scrutant la réaction de ma mère, dont le visage était devenu impassible. La lecture nous apprend à vivre, à surpasser les difficultés et à croire à l'impossible. En lisant ce livre, je deviens une petite fille, guillerette et sans mauvaises intentions et qui veut rendre visite à sa grand-mère. Comme moi, Jacques, je le fais chaque jour, la petite fille fait une erreur et en paie les conséquences. Mais dans l'histoire adressée aux enfants, la fin est belle. La grand-mère et elle survivent. Il y a de l'espoir. En apprenant de nos erreurs, nous avançons dans la vie. Une erreur ne nous est pas forcément fatale ; nous pouvons continuer, croire que quelqu'un viendra nous sauver. Nous sommes tous le Chaperon Rouge. Nous avons des qualités et des défauts et nous faisons des erreurs. Ce livre n'est qu'une partie de ce qu'est l'être humain. Ombre et lumière, bafouillage et reprise en main. »

Un silence s'installa. Je fixai ma mère dont le regard était rivé sur les légumes. Enfin, elle leva la tête et murmura :

« Tu as raison... Je suis le Chaperon Rouge, tu es ma grand-mère, la lecture est le chasseur et le loup représente mes préjugés. »

Mes lèvres s'étirèrent en un sourire timide, mais sincère. J'étais heureux, ému, fier d'avoir fait comprendre à ma mère mon besoin vitale de lire.

« Quand j'étais petite, fit ma mère, les larmes aux yeux, j'aimais beaucoup lire mais mes parents voyaient d'un mauvais œil cet éloignement de la réalité. Je n'ai jamais réussi à leur faire comprendre mon amour pour la littérature. Mais toi, mon fils, tu as réussi ! »

Heureux, je laissai mon livre sur le plan de travail, le quittant pour la première fois volontairement et vint enlacer ma mère qui poussa un cri de surprise. Finalement, elle me serra dans ses bras et chuchota :

« Merci, merci d'avoir été mon chasseur ».

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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