Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre vingt-sept

  La question resta en suspens un long instant avant qu'Aysha ne se tourne vers Thésée et ne daigne lui répondre :

  — J'avoue ne pas savoir quoi en penser.

  Le sorcier lui adressa un sourire rassurant et s'approcha d'elle.

  — Je veux juste savoir ce que tu essayais de faire tout à l'heure ?

  — Tout à l'heure ? répéta l'Occlumens en haussant les sourcils.

 — Même Jacob voulait savoir.

  La jeune femme lui adressa un sourire malicieux avant de s'éloigner, attrapant sa baguette pour la coincer dans un chignon décoiffé.

  Glissant sa main sur les différents livres remplissant l'une des nombreuses bibliothèques, elle murmura de manière à ce que Thésée l'entende :

  — Tu le sais très bien, puisque tu essayais de m'en empêcher.

  — Pourquoi voulais-tu lire mes pensées ?

  — Pourquoi voulais-tu que je n'y parvienne pas ? l'interrogea-t-elle en se tournant vers lui.

  Ils se regardèrent un long instant, mais Thésée fut le premier à détourner les yeux.

  — Je ne suis pas une Legilimens, mais j'en maîtrise assez bien le sort. Cependant, toi, tu es un piètre Occlumens, s'amusa Aysha.

  — Qu'as-tu vu ? s'inquiéta le jeune homme en se tournant à nouveau vers elle.

  — Pourquoi ? As-tu peur que je découvre quelque chose ? railla la Métamorphomage.

  — Je suis sérieux, Aysha. Dis-moi simplement que tu ne t'ais pas fait de mal.

  Aysha baissa la tête et, d'une voix faible, admit :

  — Leta... C'est elle que j'ai vue.

  Elle regarda de nouveau le sorcier et continua :

  — Lorsque vous vous êtes fiancés, notamment.

  — Aysha...

  — C'était un souvenir lointain. Comme si tu n'y pensais plus. Cependant, sa mort tourne en boucle dans ta tête.

  — Aysha... marmonna-t-il, les larmes aux yeux.

  — Tu te sens coupable alors que tu n'as pas à l'être. Tu n'es en aucun cas responsable de sa mort. Je te le répéterai jusqu'à ce que tu y crois.

  — Aysha, je t'en prie. Je suis navré que tu y ais assisté.

  — Tu es... navré ? s'étonna Aysha en fronçant les sourcils. C'est moi qui aie forcé ton esprit. Là-encore, tu n'y es pour rien. J'ai toujours eu un don pour l'autodestruction.

  — Je sais. Malheureusement, je le sais. Et je vais tout faire pour te permettre d'en sortir.

  — Y arriveras-tu ?

  — Je ferai tout pour y parvenir.

  Ils se turent et se regardèrent en silence. Cet instant sembla être aussi douloureux qu'agréable pour chacun d'eux. Une belle représentation de ce qu'ils s'étaient fais l'un à l'autre. Entre larmes et sourires, il y avait deux cœurs. Deux cœurs battant de manière discordante sous le poids de maux et de remèdes. Quelque chose semblait leur avoir donné un nouveau lien auquel s'accrocher. Ce lien douloureux qu'était la perte d'une moitié. Une moitié aimée ou non, cela restait encore à déterminer.

  — Pourquoi ne jamais avoir parlé de ton mariage ? demanda soudainement Thésée, peinant à retenir ses larmes.

  — Ce mariage a représenté plus de douleur que de bonheur. Ne serait-ce qu'y penser me donne envie de vomir.

  Le jeune homme s'approcha de son amie et hésita un instant avant de lui attraper la main pour lui apporter au mieux son soutien. Elle baissa un instant la tête vers leurs mains avant de regarder de nouveau le sorcier, les larmes aux yeux. Avec un sourire sans joie, elle murmura :

  — Les mariages ne sont pas toujours issus de l'amour. Parfois, on se met dans un tel pétrin qu'on n'y peut rien. Que c'est la seule solution.

  Thésée ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son ne sortit. Alors, l'Occlumens se détacha et s'éloigna pour cacher ses larmes. Le jeune homme baissa la tête et resta silencieux jusqu'à ce qu'elle revienne vers lui, le visage de nouveau impassible.

  — Je suis désolée de ne rien t'avoir dit, fit-elle alors.

  — Ne le sois pas. Ne le sois pour aucune raison.

  — Peut-être, qu'un jour, tu sauras tout, ajouta l'Occlumens avec un timide sourire.

  — Ne te sens pas obligée de me mettre au courant de tout. Tu as le droit à tes secrets, la rassura-t-il.

  Au lieu de lui répondre, elle recula de quelques pas, tout en continuant de le regarder, et lui annonça :

  — Je veux te montrer quelque chose.

  — Me montrer quelque chose ? s'étonna-t-il.

  — Personne n'y a jamais eu accès. Mais j'ai besoin de confier cela à quelqu'un. Serais-tu prêt à porter ce poids avec moi ?

  — Je serais prêt à tout porter si cela pouvait te soulager.

  — En es-tu sûr ? C'est quelque chose de sombre. Qui me dévore de jour en jour.

  — Certain. Si c'est vraiment ce que tu veux, je suis prêt.

  La Métamorphomage lui adressa à nouveau un faible sourire.

  — Très bien. Dans ce cas, tu auras besoin de ta baguette.

  — De... ma baguette ? s'inquièta le sorcier.

  — À moins que tu m'ais caché un don de Legilimancie, tu auras besoin de ta baguette pour voir ce que je veux te montrer.

  Hésitant, Thésée sortit sa fidèle amie et la pointa sur la sorcière face à lui.

  — Tu es vraiment sûre ? s'amusa-t-il.

  — Certaine.

  Ils s'échangèrent un léger sourire et le jeune homme murmura :

- Legilimens.

  Presque aussitôt, il se sentit aspirer par l'esprit normalement impénétrable de la jeune femme...


  Thésée fut surpris de se retrouver dans un sublime château qu'il reconnut bientôt comme étant l'école de magie française, Beauxbâtons. Devant lui, une jeune fille à la longue chevelure blonde trainait les pieds, un livre d'Histoire de la Magie dans les mains. Il mit du temps à la reconnaître, car la jeune Aysha Wilson avait la peau aussi blanche que celle de ses sœurs.

  Il se retrouva bientôt dans un autre couloir, où un groupe de jeunes élèves vidait un sac, jetait des pages de livres déchirées et roulées en boules sur une fille de leur âge sur laquelle ils criaient :

  — Rentre chez toi, sale Sang-de-Bourbe !

  Thésée n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait que la jeune Aysha se ruait sur le groupe d'élèves en hurlant :

  — Laissez-la tranquille, bande de petits enfants de riches !

  Cette remarque ne sembla pas les effrayer, car l'une des filles s'approcha d'elle, un sourire moqueur sur les lèvres, et railla :

  — Qu'est-ce que tu veux, Wilson ? Tu crois pouvoir nous battre ?

  — Tu veux qu'on vérifie qui est le plus fort entre vous tous et moi ? la défia-t-elle.

  — Tu nous prends de bien haut pour une râtée comme toi. Tu ne viendrais pas de sortir de retenue avec Mr Durand ?

  — Tu as peur que je t'assome avec quelques dates d'événements historiques ?

  — Fais-moi rire, se moqua la jeune fille. Être en retenue dès la première semaine n'est pas un glorieux exploit.

  — Au moins, les professeurs connaissent mon nom et ne le confondent pas avec celui du concierge.

  — Lâche l'affaire, Wilson, lui ordonna le garçon qui tenait le sac qu'ils avaient vidé par terre. Tu ne fais pas le poids contre nous.

  — Tu veux vérifier ? railla la jeune Aysha.

  — Tu n'oserais pas. Tu n'as pas le cran.

  — Ah oui ?

  — Bon, fit une autre fille du groupe. On pourrait retourner à nos occupations. Ce n'est pas une orpheline qui nous en empêchera.

  Plus vite que quiconque ne put le voir venir, la jeune Aysha avait dégainé sa baguette et stupéfixié deux élèves. Thésée fut étonnée de voir des capacités magiques aussi développées chez une version aussi jeune de l'Occlumens.

  — Mais t'es cinglée ! s'écria un de leurs amis.

  — Oh, oh ! Durand en approche ! s'exclama un autre.

  En effet, un homme de la cinquantaine d'années arrivait à grands pas vers eux.

  — Par la barbe de Merlin ! hurla-t-il en arrivant à leur hauteur. Ça ne va pas la tête, Mlle Wilson ?

  — Ma tête va très bien, monsieur.

  — Vous agravez votre cas.

  Tout en libérant les élèves stupéfixiés, il demanda à deux autres de les accompagner à l'infirmerie.

  — Les autres, filez. Et ramassez-moi tout ça !

  Tous partirent, sauf la jeune fille qui se trouvait encore pressée contre un mur. Lentement, elle alla ramasser ses affaires.

  — Réalisez un peu ce que vous avez fait, Wilson !

  — Je réalise très bien, monsieur. C'est vous que ne savez pas tout. Vous, les professeurs, vous ne voyez que ce que vous voulez voir.

  — Mlle Wilson !

  — Désolée, Mr Durand, les interrompit soudainement la jeune fille qui était parvenue à réparer l'un de ses livres. Ils m'embêtaient. Elle voulait juste me défendre.

  — Cela ne change pas que ce qu'a fait Mlle Wilson est inadmissible.

  — C'est parce que vous n'en voyez que les points négatifs. Admettez que rares sont les élèves de première année sachant faire de telles choses.

  — Mlle Wilson, croyez-vous qu'il soit judicieux de vous montrer aussi irrespectueuse après ce que vous avez fait ?

  — Comme s'il existait des moments où il était convenable de se montrer irrespectueux, marmonna la jeune fille.

  — Je vais parler de vous à la directrice pour convenir d'une sanction à la hauteur de vos méfaits.

  — Avec plaisir, mon cher.

  — En attendant, reprit le professeur, aidez Mlle Martin à ranger ses affaires. Je vous veux dans mon bureau, demain matin, à sept heures. Si vous ne vous présentez pas, je viendrais moi-même vous chercher.

  — Oui, Mr, répondit la jeune Aysha avec un immense - faux - sourire.

  — Bien. Ne tardez pas à rejoindre vos dortoirs.

  Le professeur s'éloigna rapidement, sûrement vers le bureau de la directrice. La jeune Aysha se tourna alors vers la jeune fille qui murmurait :

  — Merci beaucoup.

  — Y a pas de quoi, répondit-elle en haussant les épaules.

  — Non, vraiment. Peu de personnes auraient fait ça.

  — Pourquoi ils t'embêtaient ?

  La jeune fille hésita un instant avant de répondre :

  — Car mes parents sont tous les deux Non-Magiques... et... bien... ça ne semble pas leur plaire.

  — Ne fais pas attention à eux. Ce sont des idiots. Les parents de mon père étaient tous les deux Non-Magiques et il a plutôt bien réussi sa vie.

  — Merci... et... est-ce que c'est vrai ce qu'ils ont dit sur le fait que tu étais... eh bien...

  — Orpheline ? Oui, c'est vrai.

  — Oh. Je suis désolée.

  — Ne le sois pas. Tu n'y es pour rien.

  Un silence pesant s'installa pendant quelques secondes. La jeune fille termina de ranger ses affaires et demanda une fois qu'elle se fut redressée :

  — Ton nom, c'est Aysha, c'est ça ?

  — C'est ça. Et toi ?

  — Rose. Je m'appelle Rose.

  — Eh bien, enchantée Rose.

  Les deux jeunes filles s'échangèrent un sourire et la jeune Aysha attrapa le sac de la dénommée Rose pour le tendre à sa propriétaire qui la remercia.

  Soudainement, Thésée vit tout autour de lui devenir flou. Il se sentait bousculé dans tous les sens jusqu'à ce que les images s'arrêtent sur les deux nouvelles amies, emmitoufflées dans d'épais manteaux, assises sur un banc sous la neige. La jeune Aysha semblait expliquer à Rose comment réaliser un sortilège lorsque le même groupe d'élèves auquel elles avaient été confrontées lors de leur rencontre se mit à leur lancer des boules de neige tout en criant :

  — Personne ne veut de vous pour Noël ? Ah oui, c'est vrai ! Wilson n'a pas de famille et Martin a des sales Non-Magiques comme parents !

  — La prochaine fois, apprends à viser, rétorqua la jeune Aysha. Car ce que tu dis nous passe au-dessus de la tête.

  — Ah. Tu te crois drôle ?

  — Ce n'étais pas mon attention première, mais le fait que tu le mentionnes est un véritable compliment pour moi.

  — Rappelle-moi pourquoi ils ne t'ont pas virée au début d'année.

  — Je crois que ce qu'ils ont mentionné c'est que j'étais l'élève la plus prometteuse qu'ils n'avaient jamais eue. Ils ont même dit que mes capacités magiques égalaient celle d'élèves de septième année.

  — Les Cracmols sûrement.

  — Toi, ce serait déjà on exploit si tu arrivais à égaler ceux de première année.

  — Oh. Quelle insulte pour ma personne ! ironisa-t-il exagérément. Je vais le dire à tes parents. Ah ! Non, c'est vrai. Ils sont morts.

  — Change de disque, railla la jeune Aysha qui parut tout de même touchée par ses paroles.

  — Ça te ferait plaisir, hein ? À toi et toutes ces voix dans ta tête. Tu es sûre que tu ne t'es pas trompée d'établissement ?

  — Mes voix et moi sommes certaines que nous méritons notre place plus que toi. Quand est ton anniversaire déjà ? Et tu vas avoir quel âge ? Cinq ans ?

  — Réponse totalement indolore pour moi, navré.

  — Pas pour ton ego, assurément. Je crois que tes chaussettes tombent maintenant que tes chevilles ont dégonflé.

  — Loin de me faire rire, Wilson.

  — Oh, mais j'en suis ravie. Ce n'était pas le but recherché.

  Ne sachant visiblement plus quoi répondre, le jeune garçon se tourna vers Rose et marmonna :

  — T'as perdu ta langue, toi ? C'est à force de t'entraîner à réaliser des sorts ? Écoute, tu n'y es pour rien si tes parents sont des Non-Magiques et que tu n'as pas la magie dans le sang.

  — Rose pourrait t'envoyer valser à l'autre bout de la cour si elle en avait envie, intervient la jeune Aysha.

  — Incapable de se défendre elle-même, comme toujours. Tu devrais rentrer à ta maison. Ce n'est pas pour toi ici.

  — Rappelle-moi qui a réveillé tout son dortoir, car il avait fait un cauchemar ? Oh ! Maman ! À l'aide ! Un monstre veut me manger !

  — Sottises !

  Avec un sourire mauvais, la jeune Aysha se leva et changea son apparence jusqu'à en devenir effrayante.

  — Va te faire cuire une bouse de dragon ! Sale monstre ! Allez, venez les gars.

  Tous le suivirent, tandis qu'Aysha reprenait son apparence habituelle, morte de rire.

  — Pourquoi n'arrêtent-ils pas de nous embêter ? l'interrogea Rose, en larmes. Qu'est-ce qu'on leur a fait ?

  — Rien. Ce sont juste des crapules pleines de poux. Ne fais pas attention à ce qu'ils peuvent dire ou faire.

  — Je vais essayer.

  Une nouvelle fois, les images changèrent et Thésée vit apparaître ce qui semblait être une salle commune, comme celle qu'il avait connue à Poudlard. La jeune Aysha était assise à une table, remplissant un carnet de notes. Ce fut alors que deux élèves s'approchèrent d'elle et attrapèrent deux livres posés sur la table.

  — Hé ! Rendez-moi ça, espèces de Trolls ! s'exclama la jeune fille.

  — Quoi ? Ça ? s'amusa la fille en lui montrant Les Âmes Tourmentées. C'est un livre pour Non-Magiques commes les parents de ta sale amie Sang-de-Bourbe.

  — Rends-le moi !

Avec un sourire mauvais, elle jeta le livre dans le feu de la cheminée.

  — Va te faire ronger les ongles par un scroutt à pétard !

  Riant toujours, les deux élèves se mirent à jeter tous les livres de la jeune sorcière dans le feu. La jeune Aysha était - littéralement - rouge de rage.

  — Je vais vous tuer !

  — Essaie toujours, railla le garçon alors qu'ils sortaient.

  Aysha s'apprêtait à leur courir après, mais un autre élève lui fit un croche-pied et elle s'effondra sur le sol.

  — Espèces de vieilles chouettes rabougries !

  Sous le coup de la colère, elle donna un grand coup de pied dans une chaise après s'être relevée. Retenant un juron de douleur, elle se rua sur la cheminée et la dernière chose qu'elle vit fut les mots de sa mère écrit pour elle sur l'une des pages de son livre.

  Retenant ses larmes, elle sortit à grands pas de la pièce, sous les rires de ses camarades, et se mit à courir dans les couloirs. Elle dut bientôt mettre une main devant sa bouche et s'arrêter. Le peu qu'elle avait mangé aujourd'hui se retrouva bientôt sur le sol tout juste lavé d'un couloir.

  Elle se laissa ensuite glisser contre le mur, sur le point de fondre en larmes. Cependant, elle dut partir rapidement, sans prendre la peine de nettoyer derrière elle, car elle avait entendu des pas s'approcher et elle n'avait pas envie d'affronter qui que ce soit.

  Elle alla alors se réfugier dans la pièce où elle allait toujours lorsqu'elle voulait être seule. Elle fut cependant surprise d'y trouver Rose, pleurant dans ses mains.

  — Rose ? l'interpela-t-elle en ayant chassé ses larmes.

  — Aysha ? C'est toi ?

  — Oui.

  La jeune Aysha s'approcha doucement et vint s'accroupir face à son amie.

  — Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

  — Ils ont tout détruit, sanglota-t-elle. Tout. Et ils m'ont frappée et frappée. J'avais mal. Je voulais que tout s'arrête. C'est encore revenu. L'envie de quitter ce monde. J'ai mal. Partout. Je voudrais que ça s'arrête.

  — Je sais, Rose.

  — Non ! hurla-t-elle. Tu ne sais pas ! Toi, tu sais te défendre. Toi, tu sais gérer tout ça. Peu importe ce qu'il te font, ça ne te fait rien !

  — Que dois-je comprendre ?

  — Justement. Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens. Ce que ça fait. Rien ne t'atteint. Tu as un cœur de pierre. Le mien est de soie. Alors, désolée si je ne suis pas aussi forte que toi !

  — Tu ne peux pas tout savoir, Rose, marmonna la jeune Aysha, profondément blessée par les paroles de son amie.

  — Quoi ?! Ils ont peur de toi, alors ils ne tentent rien de physique. Tu n'aimes rien, ni personne, alors rien ne te touche. Tu ne sais pas ce que ça fait de recevoir sans cesse des coups sur le corps et le cœur ! Si tu le savais, tu m'aurais laissée mourir !

  — Non, mais, j'hallucine !

  La jeune Aysha se leva soudainement.

  — Je t'ai protégée toute l'année ! Et tu me sors ça ! À croire que je suis un monstre pour toi aussi !

  — Mais tu en es un. Ne le vois-tu pas ? Tout comme j'en suis un ! C'est bien pour ça qu'ils n'arrêtent pas de nous attaquer, non ?

  — Tu es la seule personne que je ne considérais pas comme un monstre, Rose. Tu es la seule personne que je me suis permise d'aimer cette année. Et c'est comme ça que tu me remercies ?

  — Sais-tu ce que je ressens au moins ?

  — C'est une question idiote. Je suis juste une bonne actrice, Rose.

  Aussitôt, l'apparence de la jeune Aysha changea. Sa peau se recouvrit de bleus et de profondes entailles.

  — Certains n'ont pas peur de moi. Certains savent jouer avec mes faiblesses. Car oui, j'en ai.

  Rose parut horrifiée par ce qu'elle vit, si bien qu'elle dut cacher sa bouche derrière sa main.

  — Arrête de considérer être la seule à souffrir, car ce n'est pas le cas. Maintenant, va-t-en !

  — Aysha... Je suis désolée... Je ne voulais pas... Je t'en prie. Je ne voulais pas !

  — Va-t-en ! hurla la jeune sorcière. Va mourir si c'est ce que tu souhaites !

  Face à sa colère, Rose ne put que fuir, laissant la - trop - jeune Aysha s'effondrer, en larmes.

  À nouveau, la scène changea et Thésée retrouva la jeune Aysha dans un couloir. Elle avançait lentement, le pas traînant, alors que les autres élèves déjeunaient.

  Elle n'eut pas le temps de s'enfuir tandis que Mr Durand la rejoignait à grands pas.

  — Mlle Wilson ! Vous ne mangez pas ?

  — Je doute que vous vous intéressiez vraiment à cette réponse, marmonna-t-elle.

  — Je voulais savoir... Sauriez-vous si Mlle Martin va bien ?

  — Rose ? s'étonna la jeune sorcière.

  — Oui. Elle est absente depuis ce matin.

  — Ce matin ? répéta l'Occlumens.

  — Oui, ce matin ! Alors ?

  — Non. Navrée.

  — Ce n'est rien. Je vais enquêter. Merci quand même.

  Il s'éloigna alors et la jeune Aysha fit demi-tour subitement. Tout en se mettant à courir, elle répétait :

  — Pas ça ! Par Merlin ! Pas ça !

  Elle arriva rapidement à cet endroit qui avait été si longtemps son refuge. La vision qui s'offrit alors à elle l'horrifia.

  Dans ce coin perdu de l'école, gisait le corps inerte de Rose Martin, à côté duquel il ne se trouvait qu'un seul mot :

  Désolée, Aysha.

  L'enfant de douze ans qu'était Aysha à cet instant, se retrouva le souffle coupé. Ses jambes lâchèrent. Elle tomba. Sa peau, jusqu'alors aussi blanche que celle de ses sœurs, se teinta d'une couleur mate. La couleur de celle de Rose. Et alors, elle n'avait qu'une pensée en tête :

  — Je l'ai tuée.

  Thésée se retrouva subitement dans la Salle sur Demande, totalement abasourdi.

  Il leva lentement la tête vers Aysha. Cette Aysha qui avait vécu tout ce dont il venait d'être témoin. Et plus encore.

  Sans un mot, il lâcha sa baguette qui tomba au sol et s'approcha de son amie. Il la prit alors dans ses bras et la serra si fort qu'elle ne put retenir ses larmes.

  — Tu ne l'as pas tuée, Aysha, murmura-t-il. Tu l'as maintenue en vie. Les autres l'ont tuée. Pas toi. Tu es innocente.

  Et aussi dérisoires ces mots pouvaient-ils paraître, ce fut une réelle libération pour Aysha Wilson.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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