Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre vingt-cinq

  La nuit parut longue, car aucun des huit amis ne trouva le sommeil. Leurs pensées ne cessaient de revenir vers leur défunte amie et leur adieu définitif qui approchait.

  Albus avait passé la nuit à écrire sur un parchemin ce qu'il pourrait dire pour sa fille. Mais il finissait toujours par les brûler. Il n'arrivait pas à s'exprimer à l'écrit. Il se sentait profondément perdu. Il s'était passé tellement de choses en si peu de temps qu'il n'arrivait à rien réaliser. Il espérait savoir quoi dire le moment venu.

  Dans une autre chambre, Helena relisait une à une les lettres ou morceaux de textes écrits par sa mère. Son cœur battait à tout rompre alors que ces mots, qui ne lui étaient pas inconnus, défiler sous ses yeux. Elle n'avait jamais été particulièrement sensible à l'art de sa mère. Sûrement car la vue d'un livre ne faisait que lui rappeler son absence. Elle ignorait comment Aysha pouvait s'en nourrir depuis petite sans s'en rendre malade. À trop vivre dans des univers fictifs, ne devenait-il pas difficile de vivre dans la réalité ? Il y avait longtemps, Helena lui avait posé la question et elle n'avait jamais compris sa réponse :

  — Je lis pour rêver, garder espoir et m'évader. Mais aussi pour relativiser. Tu ne sembles pas voir à quel point les histoires peuvent devenir notre refuge lorsque la réalité nous détruit.

  Elle sortit de ses pensées lorsqu'elle entendit quelqu'un frapper à sa fenêtre. Elle leva la tête et fut surprise de constater qu'une chouette volait devant sa fenêtre. Elle se dépêcha d'aller lui ouvrir. Le volatile entra dans la chambre et lâcha la lettre qu'il portait sur le lit avant de se poser sur un meuble pour s'endormir.

  Surprise, Helena ferma la fenêtre et se dirigea vers son lit. Elle attrapa la lettre sur laquelle seul son nom était indiqué. Hésitante, elle entreprit de l'ouvrir et déplia le parchemin. Elle s'appliqua alors à la lire.


  Chère Mlle Helena Wilson,

  Vous serez sûrement surprise de recevoir cette lettre, surtout que nous ne nous sommes jamais rencontrées. Cependant, vous devez avoir entendu parler de moi.

  Je suis Sofia Taylor et je suis la garante de mon défunt frère, Simon Taylor.

  J'ai cru comprendre que vous étiez celle de votre sœur, Aysha Wilson. C'est justement pour cette raison que je vous contacte.

  Pour tout dire, j'ai été étonnée d'apprendre qu'Aysha Wilson avait une garante légale tout en étant en vie et n'ayant jamais été mêlée à de vraies enquêtes. Je me suis donc penchée sur cela et ai appris qu'elle avait été incarcérée en psychiatrie à Ste Mangouste.

  J'ai défendu mon frère dans la plupart des affaires dans lesquelles il trempait de son vivant. Mais je commence à douter quant à une affaire qui n'a jamais été ouverte. Celle entourant sa mort.

  Je sais que cela peut paraître étrange, car la seule enquête a mené à la conclusion selon laquelle il aurait cédé à une attaque cardiaque. Mais il y a trop d'ombre et je connais trop bien mon frère pour savoir que ça ne peut pas être l'unique conclusion à tout ça.

  J'espère que nous pourrions nous entretenir au plus vite, mais avec votre emploi d'Auror, je suppose que avez peu de disponibilités.

  J'ose croire que vous me répondrez.

  Avec mes sentiments distingués,

Sofia Taylor


  Helena replia le parchemin après sa lecture, ne sachant quoi penser. Elle n'aurait jamais pensé que cette Sofia Taylor, qu'elle ne connaissait jusqu'alors que de nom, la contacterait sur un tel sujet. Décidant qu'elle lui écrirait une réponse plus tard, une fois l'esprit clair, elle alla la poser sur la commode de sa chambre. Son regard fut attiré par une photo dans un cadre qu'elle avait elle-même placée là. Elle l'attrapa et retourna s'asseoir sur son lit, tout en la regardant. Un sourire triste sur les lèvres, elle observait silencieusement le jeune homme à la droite de la photographie, riant en passant son bras dans le dos d'une jeune Helena, le regard lumineux posé sur son compagnon. Elle sentit son cœur se serrer et sa gorge se nouer sous le coup d'une trop grande accumulation de tristesse. Voir cet homme qu'elle avait aimé de tout son être constituait à ce jour un trou immense dans sa poitrine. La mort récente d'April semblait avoir réouvert une blessure qu'elle pensait guérie. Elle n'avait jamais été aussi proche de la meilleure amie de sa benjamine que ces derniers jours. Trop peu à son goût.

  Plus jeune, elle avait toujours trouvé April trop acerbe, avec un franc-parler souvent blessant. Ce n'était que depuis leur retour à Poudlard qu'elle avait laissé une chance à la jeune femme. Après tout, elle demeurait la seule personne qu'Aysha avait toujours aimée et respectée, tout autant qu'April la respectait et l'aimait malgré les vices de sa benjamine.

  Elle sortit de ses pensées, fermant les yeux. Un sommeil agité finit par la trouver.

***

  Ce fut à l'aube que Thésée se décida à sortir de sa chambre. Il ignorait si ses camarades avaient eu la force de quitter la leur. Il traversa le château afin de se rendre à leur lieu de rendez-vous. Il n'y trouva que Jacob et Queenie qui avaient revêtu des vêtements noirs pour l'occasion, tout comme lui. Il les salua d'un mouvement de la tête et alla attendre près de la grande porte. Il ne fallut pas longtemps à Norbert et Tina pour les rejoindre. Tous deux se séparèrent, l'Auror allant retrouver sa sœur, et le magizoologiste son frère.

  — Ça va ? demanda faiblement l'aîné des Dragonneau.

  — Je suppose, murmura Norbert. Et toi ?

  Thésée ne lui apporta pas de réponse, guettant les prochaines arrivées. Il n'y avait pour l'instant aucune trace des personnes ayant été les plus proches d'April.

  — Ils ne devraient pas tarder, fit la voix de Queenie à sa droite.

  Il se tourna vers la Legilimens qui ajouta :

  — Elle va arriver, n'ayez crainte.

  À peine eut-elle dit ça qu'Helena apparut, ayant le regard empli de tristesse.

  Thésée fixa un instant la jeune femme qui venait d'arriver. Leurs yeux se croisèrent et elle changea de direction pour venir vers lui.

  À peine fut-elle arrivée devant lui qu'elle lui assura :

  — Elle arrive. Je suis passée par sa chambre. Elle ne m'a pas laissée entrer, mais elle disait arriver au plus vite.

  — Est-ce que... elle va bien ?

  — À ton avis ? April était sa meilleure amie, la personne dont elle était la plus proche.

  — Oui. C'était une question idiote.

  — Je sais que tu meurs d'envie de savoir ce qu'il s'est passé hier, lorsque tu nous as interrompues, lui fit savoir la jeune femme.

  — Peut-être, mais je ne chercherai pas à avoir la réponse.

  Helena lui adressa un sourire reconnaissant qu'il ne vit pas, car son regard se rapporta derrière elle. Aysha venait d'apparaître et elle ne passa pas inaperçue.

  Alors qu'ils avaient tous revêtu du noir pour cette triste journée, l'Occlumens, alors qu'elle s'habillait toujours sombrement, avait opté pour un bas blanc et un haut bleu pastel. Elle ne semblait pas embêtée par cela, contrairement à Helena que Thésée entendit marmonner :

  — Qu'est-ce qu'elle fabrique ?

  L'Auror allait se diriger vers sa sœur, mais le jeune homme lui attrapa le poignet et murmura :

  — Laisse-la.

  Helena hésita un instant, mais finit par obtempérer. Ce fut donc Aysha qui marcha vers eux, le visage totalement impassible.

  — Vous avez de sales têtes, leur dit-elle sans préambule une fois à leur hauteur.

  Thésée fut le seul à sourire face à cette remarque. Ce n'était pas comme si c'était la première fois qu'il la recevait. Alors qu'Helena allait lui répondre, Albus apparut et s'approcha d'eux. La mine sombre et le visage cerné, il les salua, les remerciant de leur présence, avant d'expliquer :

  — Mon frère nous attend dehors.

  Il n'obtint aucune réponse et ils sortirent tous sans un mot. Ils rejoignirent bientôt Abelforth qui les attendait au bord de la forêt interdite. Seule Aysha alla le saluer, les autres s'arrêtant, tandis qu'Albus continuait d'avancer vers son frère. Lorsqu'il arriva à sa hauteur, il se contenta de lui lancer un regard, ignorant la présence de l'Occlumens, et se retourna vers les autres. La mine sombre, il se racla la gorge et, hésitant, commença :

  — Eh bien... Merci à tous d'être là pour commencer. Ce n'est pas évident... Je n'ai pas vraiment une structure de comment la journée va se dérouler.

  — Sans blague, marmonna Aysha que seul Abelforth entendit.

  Le barman se tourna un instant vers elle, à moitié surpris. Elle haussa les épaules, secouant la tête, pour lui signifier que ce n'était rien.

  — Ce n'est pas une chose facile, reprit le professeur. Nous sommes dans une période sombre. Les temps sont durs. Vous avez déjà subi tant de choses et j'en suis navré. Leta...

  Le regard d'Aysha alla trouver celui de Thésée qui le détourna, le visage empreint d'une grande tristesse. À son tour, l'Occlumens baissa la tête, enlevant pour la première fois ce jour son masque d'impassibilité. Son esprit put alors se reconcentrer sur ce que disait Albus :

  — April était une femme courageuse avec un fort caractère et un humour bien à elle. C'était une personne aussi merveilleuse qu'elle était puissante en tant que sorcière. Elle...

  La voix du professeur se brisa. Son frère posa une main sur son épaule et Aysha leva la tête vers l'homme et, voyant qu'il n'était pas capable de reprendre, s'avança et continua à sa place :

  — Je suppose qu'April nous manquera à tous. Elle fait partie des rares personnes qui m'ont maintenue en vie et elle demeurera éternellement l'unique personne n'ayant pas participé à ma destruction. Et si vous vous demandez pourquoi j'ai fait le choix de couleurs clairs, sachez que si April avait été là, elle n'aurait cessé de vous maudir pour avoir suivi une tradition aussi morbide. Car c'est le terme qu'elle aurait employé.

  Aysha laissa échapper un léger rire détournant la tête pour masquer son sourire. Finalement, elle regarda le ciel avant de reprendre :

  — Vous devez me prendre pour un cinglée. À rire à l'enterrement de ma meilleure amie. Mais elle est morte hier et nous n'avons même pas de corps à enterrer. April mérite bien plus qu'une petite cérémonie au bord de l'école où elle a passé sa scolarité. On a même pas son corps, répéta-t-elle en éclatant de rire. C'est peut-être pour ça qu'il m'est difficile de croire en sa mort. Généralement, ne pas avoir de corps lors d'une mort dans un livre indique clairement que le personnage n'est pas réellement mort.

  — Mais nous ne sommes pas dans un livre, Aysha, la coupa son aînée. Nous avons vu Grindelwald la tuer.

  — Je sais, Helena. Je m'efforce de le croire. D'arrêter d'imaginer qu'elle est encore là. Quelque part. Attendant qu'on vienne la chercher. J'ai toujours... J'ai toujours soigneusement évité tout enterrement. Leta, Rose... J'étais trop jeune pour nos parents. J'aurais pu ne pas venir aujourd'hui. Même s'il s'agit d'April. Mais... Je me suis dit que ça me permettrait peut-être de finir par y croire. Tant de personnes sont mortes. Je n'ai jamais eu du mal à croire en leur mort. Mais April... Ça me dépasse.

  L'Occlumens se tut, tandis qu'Helena essuyait la larme qui s'était permise de rouler sur sa joue.

  Voyant que personne ne savait plus comment réagir, Thésée échangea un regard avec son frère, et, d'un même mouvement, comme s'ils s'étaient compris dans le silence, ils levèrent leur baguette vers le ciel, l'illuminant avec un lumos. Tina et Queenie ne tardèrent pas à les imiter, à côté d'elles, un Jacob ne semblant pas comprendre ce qu'il se passait.

  Albus et Abelforth levèrent alors la tête vers leurs camarades et semblèrent surpris de voir un tel spectacle. Émus, ils se regardèrent un instant avant de faire de même. Helena, quant à elle, jeta un regard à sa jeune sœur avant de les rejoindre.

  Ne semblant pas vouloir les imiter, Aysha leva la tête vers le ciel, encore couvert par un épais nuage. Cependant, ce dernier semblait percé par six trous de lumière. Son cœur se serra. Elle se sentit nauséeuse et porta une main sur sa temps droite.

  Quelque chose en elle refusait d'accepter la mort de sa meilleure amie. Comme si quelque chose lui disait qu'il ne fallait pas y croire. Pas baisser les bras. Oui. Elle était là. Quelque part. Elle attendait...

  L'Occlumens secoua la tête, voulant faire taire cette voix persistante qui résonnait incessement dans son esprit. Elle ne vit pas Thésée se détacher du groupe et se rapprocher d'elle, l'air inquiet.

  — Aysha ? l'interpela-t-il en attrapant son bras.

  Le contact plus que la voix de l'aîné des Dragonneau la fit réagir et elle s'accrocha en retour au bras du jeune homme.

  — Tout va bien. D'accord ?

  Leurs yeux se rencontrèrent et Aysha se dégagea pour regarder autour d'elle. Tous les fixaient, étonnés d'une telle tournure. Elle se tourna vers Albus qui sembla comprendre et se racla la gorge, récupérant toute l'attention.

  — Beaucoup de choses ont changé depuis que nos amis Aurors nous ont rejoints. Grindelwald est dans les parages, avec lui un grand nombre de partisans, et il semble sûr d'avoir un certain pouvoir - ce qui, ma foi, est malheureusement le cas. Ne rendons pas la mort d'April inutile en fonçant tête baissée vers l'inconnu. Je compte faire appel à certains de vos anciens camarades, tout comme à d'autres que vous pouvez connaître ou non, afin de constituer une équipe suffisamment compétente pour ne serait-ce qu'imaginer nous opposer à Grindelwald.

  Personne ne répondit, mais quelques regard s'illuminèrent, d'autres s'obscurcirent.

  — Que Merlin garde son âme en paix, implora Abelforth en s'adressant au ciel.

  Ceci sembla marquer la fin, car les frères Dumbledore les saluèrent et s'éloignèrent sans un mot de plus.

  — Tu parles d'une cérémonie, marmonna Aysha en s'approchant de sa sœur.

  Cette dernière lui attrapa la main :

  — Il faudrait qu'on parle.

  Face au visage tiré de son aînée, l'Occlumens ne put refuser et elle jeta un regard autour d'elle, remarquant que tous les fixaient.

  — De quoi veux-tu parler ? la questionna-t-elle, essayant d'ignorer le fait que leurs camarades suivaient leur conversation.

  — Je... hésita Helena en regardant autour d'elle. Allons en privé.

  — De quoi peut-il bien s'agir si tu ne veux pas qu'ils soient au courant ? continua Aysha en désignant leurs camarades.

  — Aysha... C'est... J'ai reçu une lettre...

  — Une lettre ?

  — De Sofia Taylor.

  Le simple fait de prononcer ce nom coupa le souffle de l'Occlumens qui ouvrit de grands yeux. Ces derniers semblèrent laisser transparaître de la colère, mais aussi de la peine en plus de la surprise. Taylor. C'était tout ce qui avait résonné dans l'esprit d'Aysha. Qu'il s'agisse d'une Sofia - de cette Sofia - avait moins d'importance. Mais le nom qu'elle portait... la personne à qui elle était affiliée... ne laissaient place qu'à l'horreur et la haine. Encore.

  Aysha avait l'impression de passer sa vie à haïr. Haïr les autres. Haïr sa propre personne. Haïr l'amour qu'elle portait à Thésée.

  — Y a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? l'interrogea son aînée, ignorant le combat intérieur qui avait lieu en sa sœur.

  Elle se contenta de se tourner vers Norbert qui leva la tête, surpris.

  — Une personne savait. Et on vient de lui rendre hommage.

  — Savait quoi ? la poussa Helena.

  L'Occlumens regarda Queenie et, l'air ailleurs, elle lui demanda :

  — Que savez-vous, Mlle Goldstein ? Qu'avez-vous lu dans l'esprit d'April ?

  L'américaine parut étonnée qu'on lui pose ainsi cette question. Elle ignorait comment elle devait réagir. Ce qu'elle devait dire. Elle n'avait pas vu grand chose, car April y avait pensé qu'à de rares instants, et jamais à toute l'histoire.

  — Dites son nom, lui ordonna presque l'Occlumens.

  Queenie ne savait plus ou se mettre. Étant incapable de lire les pensées de la jeune femme, elle ne savait pas ce qu'elle devait répondre.

  — Prononcez son nom, continua Aysha sur un ton dur.

  La Legilimens baissa la tête et, d'une voix faible, elle s'exécuta :

  — Simon Taylor... Votre...

  Aysha la coupa pour terminer à sa place :

  — Défunt époux.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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