Les Animaux Fantastiques
Tome 3


Chapitre seize

  Lorsque ses paupières se soulevèrent, Aysha vit le plafond d'une chambre qui n'était pas la sienne. Elle avait un mal de tête intense. Clignant des yeux pour s'accoutumer à la lumière, elle sentit que tout lui revenait soudainement à la mémoire. Bien qu'elle n'arrivait pas à reconnaître où elle se trouvait, elle savait ce qui l'avait amenée ici.

  Helena.

  Helena était morte.

  Elle tenta de se redresser, mais elle sentit une pression augmenter sur sa main. Elle baissa la tête, apercevant ainsi le haut du crâne de Thésée, sûrement endormi. Sa main tenait la sienne et il était assis sur une chaise qu'il avait dû déplacer près du lit. Elle reconnut alors la pièce : il s'agissait de l'ancienne chambre de Thésée, chez Anne et Richard Dragonneau. Elle essaya de ne pas le réveiller tout en se dégageant des draps, mais sans succès, car, bientôt, le regard inquiet de l'homme se posa sur elle.

  — Aysha ?

  Elle ne lui répondit pas, s'asseyant en lui tournant le dos.

  — Aysha, répéta Thésée.

  La jeune femme cacha son visage derrière ses mains, se mordant la lèvre inférieure pour empêcher des larmes de lui échapper. Elle entendit Thésée se lever et sentit bientôt le matelas s'affaisser alors qu'il s'asseyait à côté d'elle, passant une main dans son dos.

  Aysha laissa ses mains retomber sur ses cuisses, fixant alors le sol. D'une voix faible, elle demanda :

  — Vous savez ?

  Un silence.

  — Pour Helena, ajouta-t-elle, pensant que Thésée ne comprenait pas de quoi elle parlait.

  — Oui. April en a été informée.

  Aysha n'eut pas la force de demander comment sa meilleure amie avait pu obtenir cette information. Elle se tourna alors vers le mur, tournant un peu plus le dos à Thésée.

  — Aysha, murmura-t-il. Je suis désolé.

  — Que savez-vous ? l'interrogea l'Occlumens. Que savez-vous de ce qui est arrivé ?

  Thésée mit du temps à répondre, prenant le soin de bien choisir ses mots :

  — Pas grand chose.

  Un nouveau silence. Une larme qui s'échappait et qu'Aysha chassa rapidement.

  — C'est Emy qui l'a tuée, révéla Aysha. John, Elizabeth, Dean et Jenny étaient là, nous empêchant de fuir et d'attaquer Emy. Emy est passée derrière Helena. J'ai vu ses yeux se poser sur moi. J'ai vu la lueur de vie quitter son regard. Emy lui a planté une dague dans le dos. J'ai vu le corps d'Helena tomber sur le sol. J'ai vu son sang se propager sur le sol. Une folle rage m'a alors prise. Mais je n'ai rien pu faire. Helena est morte. Et je n'ai rien fait pour la sauver.

  Thésée s'approcha davantage, attrapant la main de la jeune femme, mais elle le repoussa, se tournant davantage pour laisser ses larmes couler.

  — Aysha, fit alors le sorcier. Je t'en prie. Laisse-moi t'apporter mon soutien. Ne t'éloigne pas de moi. Tu n'as pas besoin d'être forte avec moi.

  Aysha se tourna alors vers lui, lui révélant ses yeux humides, ses joues baignées de larmes, la douleur sur son visage, la colère dans son regard, le désespoir dans son âme.

  — Tu ne comprends pas, Thésée, fit-elle d'une voix faible. C'est juste que...

  Sa voix se brisa. Thésée attrapa sa main et elle n'eut pas la force de l'écarter. Elle plongea ses yeux dans ceux de l'homme face à elle et laissa les mots lui échapper :

  — Je suis en train de perdre toutes les personnes que j'aime. Et... Je suis effrayée à l'idée de te perdre toi aussi.

  Des larmes apparurent dans les yeux de Thésée, profondément touché par ses mots. Il posa son autre main sur la joue de la jeune femme avant de la tirer vers lui pour qu'elle puisse poser sa tête sur son torse. L'Occlumens put alors entendre les battements de cœur irréguliers du sorcier, alors qu'il murmurait :

  — Tu ne me perdras pas. Je te le promets.

  Aysha se dégagea de son étreinte afin de le regarder. Sur un ton ferme, malgré sa voix qui vrillait parfois, elle marmonna :

  — Comment peux-tu affirmer une telle chose ? Tu ne peux pas me garantir que je ne vais pas te perdre.

  Thésée attrapa sa main pour la calmer et elle se tut, ce qui lui permit de lui répondre :

  — C'est vrai. Je ne peux pas te promettre que tu ne vas pas me perdre. Mais je peux te promettre de tout faire pour que cela n'arrive pas. Je te promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu n'aies pas à me perdre.

  Un faible sourire étira les lèvres de l'Occlumens qui s'agrandit lorsque le jeune homme ajouta :

  — Je t'aime. Plus que je n'ai jamais aimé quiconque.

  — Moi aussi, Thésée. Moi aussi, je t'aime.

  Un silence. Un nouveau sourire. La culpabilité revint subitement attaquer Aysha qui détourna le regard.

  — Emy a tué Helena, murmura-t-elle alors. Emy a tué sa propre sœur. Comment a-t-elle pu ? Je n'arrive pas à comprendre comment elle peut avoir fait une telle chose sans rien ressentir. Je ne l'ai jamais haï autant que je la hais aujourd'hui. Je crois qu'elle est la personne que je hais le plus. Et c'est peu dire quand on sait qui était la personne que je haïssais le plus récemment. Je la déteste. Elle m'a tout pris. Elle m'a...

  Sa voix se brisa. Thésée attrapa les deux mains de la jeune femme pour lui apporter au mieux son soutien.

  — Je vais la tuer, reprit alors Aysha d'une voix forte. Je la tuerai de la manière la plus horrible qu'il soit possible d'imaginer.

  — Aysha... tenta le sorcier.

  La jeune femme leva la tête vers lui et il la prit par les épaules, murmurant :

  — Ce n'est pas toi, Aysha. Tu n'es pas une meurtrière. C'est ce qu'ils veulent que tu deviennes. Mais tu n'es pas une meurtrière.

  — Ah oui ? railla-t-elle. Et que fais-tu de Rose, Simon ou encore Assen ?

  — Ce n'était pas volontaire.

  — Ça n'empêche pas que je les ai tués ! C'est moi qui aie dit à Rose d'aller mourir ! C'est moi qui aie provoqué une crise cardiaque à Simon ! C'est moi qui aie brûlé vif Assen ! J'ai tué ces gens.

  — Non, Aysha. Tu n'es pas responsable. Tu n'as jamais voulu que ces gens meurent. Tu n'es pas une meurtrière justement pour cette raison. Ce n'était pas voulu. Ce n'était pas toi.

  Une larme roula sur la joue de la jeune femme alors qu'elle reprenait :

  — Tu réalises que les derniers mots que j'ai dit à ma seule et unique amie de Beauxbâtons, celle qui fut ma meilleure amie, étaient Va mourir si c'est ce que tu souhaites ? Ces mots tournent en boucle dans ma tête. Ils me hantent. Je ne les ai jamais oubliés. J'ai tué Rose, Thésée. Peu importe ce que tu me diras, c'est à cause de moi qu'elle est morte.

  — Mais si tu n'avais pas été là, elle serait morte avant. Si tu ne le lui avait pas dit, peut-être serait-elle morte plus tard. Aysha, ça n'a jamais été toi le problème. Le problème venait de ces gamins qui vous insultaient, frappaient... Et ce que tu lui as dit ne venait pas de toi. C'est à cause de ces gamins en question que ces mots sont sortis. Tu ne l'as pas tuée, Aysha.

  La jeune femme secouait la tête.

  — Je veux la tuer, reprit-elle, parlant d'Emy. Je veux la voir morte. C'est tout ce qu'elle mérite.

  — Aysha... Je t'en prie, murmura Thésée.

  — Peut-être qu'ils ont raison ? l'interrompit-elle. Peut-être que je suis bien le monstre qu'ils voient en moi ? Peut-être suis-je réellement folle ? Peut-être suis-je vraiment destinée à devenir une meurtrière ? Peut-être que c'est ce que je suis et que rien, ni personne ne pourra changer cela.

  — Non, Aysha. C'est faux. Tu es bien plus que ça. Tu es une femme forte et courageuse. Tu es plus pure que tu ne le penses. Tu es une femme incroyable, d'une grande beauté, aussi bien intérieure qu'extérieure. Tu es brisée, oui. Mais tu n'es pas folle. Tu n'es pas un monstre. Tu n'es pas une meurtrière. Tu es une femme exceptionnelle que la vie n'a pas épargnée. Mais ton courage fait de toi une personne remarquable. Tu es remarquable. Tu es la femme que j'aime.

  Profondément touchée par ces mots, Aysha laissa des larmes rouler sur ses joues avant de s'approcher du sorcier pour le prendre dans ses bras. Une manière silencieuse de le remercier, car elle était incapable de dire quoi que ce soit, une boule s'étant forgée dans sa gorge. Ce fut donc Thésée qui ajouta :

  — Tu es mon Âme Tourmentée à moi.

  Aysha sourit, sachant tout à fait à quoi faisait référence le jeune homme. Ce livre qui était le préféré du sorcier. Ce livre qui avait rendu célèbre sa mère. Ce livre dont elle ne se séparait plus.

  Elle s'écarta alors, échangeant un long regard avec Thésée. Elle se pencha ensuite vers lui pour déposer ses lèvres sur les siennes. Il lui rendit immédiatement son baiser et lorsqu'ils se séparèrent, Aysha retrouva enfin l'usage de la parole :

  — Tu es mon Âme Tourmentée à moi aussi.

  Un sourire étira les lèvres de Thésée. Ils continuaient de se regarder sans un mot.

  On frappa à la porte. Trois coups si discrets qu'ils auraient pu passer inaperçus. Ce fut Thésée qui invita la personne qui en était l'auteure à entrer. La porte s'ouvrit et Queenie apparut bientôt, son ventre arrondi caché sous un plateau. Lorsqu'elle vit Aysha, elle sourit et se réjouit :

  — Mlle Wilson ! Vous voilà de retour parmi nous !

  Malgré son air joyeux, l'Occlumens put déceler l'air désolé qui planait dans le ton de la jeune femme.

  — J'apportais à Thésée de quoi manger. Il est resté à votre chevet pendant des heures sans manger, ni boire. Je m'inquiétais aussi pour lui.

  Aysha couva alors le sorcier d'un regard attendri alors qu'il se levait.

  — Et sans aller aux toilettes non plus, alors, si vous voulez bien m'excuser.

  Les deux femmes émirent de légers rires, alors qu'il les saluait et disparaissait, les laissant seules. Un silence s'installa alors, mais Queenie le brisa bientôt en révélant :

  — Tout le monde s'inquiétait pour vous.

  Aysha baissa la tête avant de se lever.

  — Merci, Queenie, fit-elle alors. Comment allez-vous ?

  La Legilimens parut surprise par la question, mais elle répondit rapidement :

  — Tout va bien, je crois. Je suis assez fatiguée, mais je suppose que c'est normal.

  Aysha sourit.

  — Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais descendre, reprit alors l'Occlumens.

  Queenie hocha négativement la tête et se décala pour la laisser passer, lui emboîtant le pas dès lors qu'elle fut sortie de la pièce. Tout en prenant garde à ne pas trébucher dans les escaliers, Aysha arriva rapidement au rez-de-chaussée, entendant rapidement que des voix provenaient de la salle à manger, dont la porte était ouverte. Elle s'arrêta un instant pour observer toutes les personnes présentes dans la pièce. April qui n'avait jamais eu l'air aussi dévastée, ni était aussi silencieuse. Tina et Norbert, debouts près de la fenêtre, discutant à voix basse. Anne et Richard qui parlaient avec... Eulalie. Jacob qui écoutait avec intérêt leur discussion. Aysha repéra même Abelforth, assis seul avec ses pensées.

  Ce fut Norbert qui la repéra en premier, son regard s'illuminant. Sans un mot, il se rua hors de la pièce et la prit dans ses bras, la serrant si fort qu'on pouvait croire qu'il ne voudrait plus la lâcher.

  D'une voix faible et en français, Aysha lui murmura :

  — Je ne me suis pas envolée, moi.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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