Les Animaux Fantastiques
Tome 3


Chapitre dix-sept

  De toutes les histoires dont été faites nos vies, il n'en existait qu'une pour laquelle se battre au détriment de toutes nos tourmentes et de toutes nos failles. La pureté des cœurs avait toujours été vue comme l'unique moyen d'être aimé et d'aimer.

  Cependant, au fil de ma propre vie, j'ai pu apprendre que les meilleures personnes à aimer ont souvent une âme tourmentée.

  Je ne peux que vous souhaiter de trouver la vôtre, d'Âme Tourmentée, afin que tous combats soient gagnés d'avance dès lors que vous poserez vos yeux sur l'être aimé.

— Les Âmes Tourmentées, Sarah Davies, Note de l'auteure, page 489.

***

  Norbert était assis dans le salon de chez ses parents, ces derniers buvant une tasse de thé près de lui en discutant avec Tina.

  Quelques jours étaient passés depuis qu'Helena était morte. Abelforth avait dû retourner à Pré-au-Lard et Eulalie avait elle aussi dû reprendre la route d'Ilvermorny. April avait été très effacée depuis. Elle n'avait que très peu rendu visite à ses camarades et lorsque c'était le cas, elle restait généralement très - trop - silencieuse. Jacob et Queenie étaient si occupés de leur côté qu'ils n'avaient plus trop l'occasion de repasser voir leurs amis, bien qu'ils aient participé à la cérémonie organisée par Thésée en l'honneur d'Helena. Ce dernier avait d'ailleurs passé le plus clair de son temps chez ses parents, voulant resté près d'Aysha qu'Anne n'avait pas voulu renvoyé chez elle.

  L'Occlumens était debout devant la fenêtre, silencieuse, regardant les flocons tomber du ciel, recouvrant le manteau de neige déjà important recouvrant le sol. Personne ne saurait dire combien de temps elle était restée plantée là, à observer ce beau spectable, mais la tasse qu'elle tenait était à présent remplie de thé froid.

  Un livre était posé près d'elle : Les Âmes Tourmentées de Sarah Davies. Il était ouvert à la page quatre-cents-quatre-vingt-neuf. La page où sa mère avait inscrit un message pour ses lecteurs. On pouvait aussi y voir des inscriptions à l'encre vert émeraude, de la fine écriture de Sarah Davies :

  Répétition de "tourmente" à revoir.

  Contracter les "toutes" à la ligne 2.

  Et tout autant de remarque visant à améliorer l'écriture de cette note. Mais il y avait aussi d'autres inscriptions, à l'encre bleue, cette fois. On pouvait reconnaître la calligraphie d'Aysha, indiquant par-ci et par-là toutes sortes de choses.

  Être aimé = Âme Tourmentée.

  Pureté des cœur, non, non, non.

  Tourmente. Tourmente. Tourmente. Tourmente. Tourmente. Tourmente. Tourmente.

  Et ce mot se répétait encore et encore. L'encre était sèche, mais la plume posée près du livre laissait deviner que ces inscriptions étaient récentes.

***

  À toi, lecteur qui te perdra entre mes lignes.

  À toi, mère qui m'a appris plus que quiconque.

  À toi, père qui m'a portée pendant si longtemps sur tes épaules.

  À toi, mon Âme Tourmentée, qui m'a appris à aimer.

  À vous, mes filles qui êtes toute ma vie.

  Bienvenue dans cet ouvrage qui met des mots sur mes maux.

— Les Âmes Tourmentées, Sarah Davies, Dédicasse de l'auteure, page 5.

***

  La neige avait cessé. La nuit était tombée. Aysha était à présent assise sur le bureau installé dans le salon de la maison d'Anne et Richard Dragonneau. Devant elle, le même livre, ouvert à la page numéro cinq où étaient inscrits quelques mots seulement.

  Anne et Richard étaient tous deux passés à la cuisine, alors que Tina et Norbert étaient retournés chez eux. Thésée était de retour lui aussi, après avoir passé une longue journée au Ministère, devant réglé tout un tas de choses concernant la mort d'Helena Wilson.

  En entrant dans le salon, il vit immédiatement l'Occlumens et s'approcha d'elle silencieusement. Elle ne réagit que lorsqu'il posa une main sur son épaule, arrêtant de lire pour la centième fois la phrase ajoutée à l'encre noire. Même s'il s'agissait de l'écriture d'Aysha, ce n'était pas elle qui en était l'auteure. L'auteure avait en réalité disparu aujourd'hui, ayant représenté l'une des versions d'Aysha Wilson.

  Il est toujours nécessaire de savoir qui on est réellement pour le rester.

  Aysha avait passé la journée à retourner les mots dans tous les sens, espérant en déceler un sens caché, en vain. Elle ne comprenait pas ce qu'une version d'elle-même avait voulu dire.

  — Tu manges avec nous ? fit la voix douce de Thésée alors qu'elle levait la tête vers lui, leurs yeux se rencontrant.

  Comme simple réponse, elle hocha la tête. Les mots n'étaient plus sortis de sa bouche depuis des jours. En revanche, sa plume en avait gravé un grand nombre.

  L'homme s'approcha du bureau pour regarder ce que faisait la jeune femme. Il lut la phrase ajoutée, fronçant les sourcils.

  — Tu as écrit ça ? demanda-t-il en se tournant vers elle.

  Elle secoua négativement la tête et se leva. Face à Thésée à présent, le jeune homme put voir dans ses yeux quelque chose qu'il comprit.

  — Oh. Pas toi. Ton autre toi, murmura-t-il.

  Aysha sourit. Thésée fit de même. Levant alors la main, il vint dégager les yeux de la jeune femme devant lesquels quelques une de ses mèches s'étaient placées. Ses cheveux étaient constitués essentiellement de parties blondes, mais quelques mèches brunes s'étaient ajoutées, jouant parfaitement avec la couleur mate de sa peau.

  — À table !

  La voix de Richard les ramena soudainement à la réalité et ils s'écartèrent pour rejoindre silencieusement la salle à manger. En entrant, Anne alla immédiatement tirer une chaise pour qu'Aysha puisse s'y asseoir alors que Thésée prenait la place voisine.

  — Ce repas a l'air succulent, fit alors l'aîné des Dragonneau alors que tous avaient pris place. Tu ne trouves pas, Aysha ?

  Il tourna la tête vers la jeune femme et elle acquiesça. Discrètement, leurs mains allèrent se trouver sous la table et ils les lièrent alors qu'ils commençaient à manger.

  — Au fait, fit soudain Richard, comment a été ta journée ?

  Thésée leva subitement la tête, surpris d'une telle question, et mit du temps à répondre :

  — Ça va. Beaucoup de travail.

  — Je suis sûr que tu t'en sors très bien ! s'exclama Anne avec un gigantesque sourire.

  — Oui, je suppose... marmonna-t-il.

  Alors que la discussion vaguait sur d'autres sujets et que leurs assiettes se vidaient, ils furent bientôt interrompus dans leur débat sur la meilleure boucherie du quartier, lorsque la voix d'Aysha parvint à leurs oreilles :

  — Les Quatre Chevaux Sans Sabots.

  Tout le monde se tourna vers elle, à la fois surpris de l'entendre, mais aussi incrédules face à ce qu'elle avait dit. Thésée put voir alors son visage s'éclairer, comme si elle venait d'avoir une idée ou de comprendre quelque chose.

  Se levant, Aysha expliqua alors :

  — Emy et tous les autres. C'est là-bas qu'ils sont !

  — Tu as conscience que nous ne sommes pas aussi intelligents que toi ? s'amusa Richard, lui faisant comprendre qu'aucun d'eux n'avait saisi ce qu'elle avait dit.

  — Les Quatre Chevaux Sans Sabots est le nom qu'on donnait, Helena et moi, à un manoir abandonné non loin d'ici. Il était en si mauvais état et avait l'air si effrayant que personne n'y mettait les pieds. Il y avait un tas d'histoires sur ce manoir, dont certaines que j'ai moi-même inventées.

  Elle marqua un temps d'arrêt, avant de reprendre :

  — Emy connaissait cet endroit. Elle disait sans cesse qu'elle ne comprenait pas pourquoi personne n'y allait. Elle disait qu'Helena et moi étions des froussardes à ne pas vouloir nous y rendre. Alors qu'en réalité, je voyais plutôt ça comme une profanation d'y mettre les pieds. Mais Emy y est allée une fois. Elle semblait dire que tout était en mauvais état mais que ça restait habitable. Ça me semble être l'endroit le plus probable où elle pourrait être allée avec les autres partisants de Grindelwald et Gellert lui-même. Pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt !?

  Elle se rua presque dans le couloir pour attraper son manteau, mais Anne l'arrêta avant et Thésée lui demanda :

  — Tu comptes y aller maintenant ?

  Aysha ne répondit pas, se rendant alors compte que ce qu'elle allait faire était idiot. Elle revint alors à sa place et le sorcier lui assura :

  — Nous irons vérifier cet endroit tous ensemble en prenant un maximum de précautions possibles. Mais pas tout de suite. Pas seuls. En attendant, tu vas prendre une vraie nuit de sommeil et demain, nous en parlerons aux autres. Il faut que tu reprennes tes forces.

  — Ça va, marmonna-t-elle.

  — Ton don n'est même plus capable de cacher les cernes sous tes yeux. Tes iris n'ont plus de couleur fixe depuis deux jours. Queenie a été capable de connaître ton avis sur le nom qu'ils avaient proposé pour une nouvelle viennoiserie de Jacob sans que tu n'aies eu besoin de le dire à voix haute.

  — Je sais, soupira-t-elle. Je m'affaiblis de jour en jour, je suis désolée.

  — Ne le sois pas. Ce n'est pas ta faute. Et tu as le droit de te montrer faible parfois. Tu as toujours dû paraître forte.

  Aysha sourit.

  — En tout cas, fit alors Anne, ça me fait plaisir de t'entendre.

***

  Trois pas en avant, je repérais son sourire.

  Six pas en arrière, je saisissais ses larmes.

  Maman m'a toujours répété que le bonheur était quelque chose de simple à imiter. Je n'avais jamais vraiment fait attention à cela avant. Mais depuis que j'ai rencontré Russell, sa phrase n'a cessé de revenir se fracasser sur tous les murs de mon crâne.

  Russell... C'est un garçon à la fois comme les autres et... authentique. Comment expliquer cette phrase qui se contredit d'elle-même ? Je dirais qu'il est à la fois un livre comme les autres en apparence, mais, dès lors qu'on se plonge dans sa lecture, il devient authentique. Et puis, il y a les choses qu'on lit avec facilité, et il y'en a d'autres... où l'encre s'est répandue sur une page, rendant difficile la lecture de certaines phrases. Oui. C'est ça. C'est exactement ce qu'il est. Il est le livre le plus authentique et le plus mystérieux qu'il m'ait été donné de lire.

  Maman m'a dit qu'il ne servait à rien de précipiter les choses. Surtout lorsqu'il s'agit des secrets d'une personne. La vérité viendra le moment venu. Il faut juste être patient.

  Je veux l'être. Si seulement il était simple d'attendre que le jour se lève alors que le soleil vient de se coucher.

  Papa a révélé un jour que son plus grand regret avait été d'être trop brusque avec Maman. C'est peut-être pour ça qu'ils ne s'aiment plus.

  Il m'a aussi assuré que tout vient à point à qui sait attendre.

  Je suis prête à attendre. Je suis prête à faire face à mon impatience. Car il existe des choses en ce monde ou rien ne peut nous permettre de faire un faux pas. Je suis persuadée que Russell en fait partie.

  Je suis persuadée que ce qu'il m'a dit l'autre jour, sous l'arbre de la cour de notre école, n'est que le début. Je me répète ses mots tous les soirs. Ils m'empêchent de dormir, mais je ne lui en veux pas. Car, lui, ces mots, il vit avec depuis toujours. Je les ai même écrits sur un parchemin que j'ai accroché à mon mur :

  Le cœur a la force de continuer à battre lorsqu'il est brisé.

  Et j'ai ajouté quelques phrases après la sienne. Peut-être aurais-je un jour le courage de les lui dire ?

  Heureusement, il y a l'âme, aussi indestructible que la roche, pour protéger le cœur. Même les âmes les plus tourmentées sont assez fortes pour continuer à faire battre le cœur.

  — Les Âmes Tourmentées, Sarah Davies, Chapitre huit, page 79.

***

  À peine Aysha fut-elle réveillée qu'elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir avec fracas, laissant entrer quelques flocons de neige. Elle entendit la voix d'Anne s'exclamer qu'il fallait entrer au plus vite.

  L'Occlumens descendit l'escalier et fut rassurée de voir Norbert et Tina.

  — Que se passe-t-il ? demanda alors Thésée qui venait de la salle à manger.

  Norbert sourit et Tina leur répondit, sur un ton joyeux :

  — Il est temps d'accueillir un nouveau petit être parmi nous !

  Anne vint se poster devant la jeune femme et la dévisagea avant d'afficher un grand sourire.

  — Je le savais ! s'exclama-t-elle soudain. Je sens toujours ce genre de chose !

  — Tu savais quoi ? demanda alors Norbert en fronçant les sourcils, ce qui fut suffisant à Aysha pour comprendre la situation.

  — Eh bien, que Tina est enceinte !

  Un silence. Thésée avait ouvert de grands yeux, mais ce n'était rien par rapport à ceux de son jeune frère dont le regard passait de Tina à sa mère.

  — Ce n'était pas... hésita soudainement Anne. Ce n'était pas ça que vous alliez dire, pas vrai ?

  Aysha s'approcha et sourit afin de détendre un minimum l'atmosphère avant d'expliquer le quiproquo :

  — Je crois que Tina voulait parler de Queenie. Je crois qu'elle voulait dire que Queenie était sur le point d'avoir son enfant.

  — Oh, fit la vieille femme. Oh ! Mais c'est génial !

  Un nouveau silence. Norbert fixait toujours Tina dont les joues étaient aussi rouges que des tomates.

  — Est-ce que... hésita-t-il. Est-ce que tu es... ?

  La question resta en suspens, mais la jeune femme avait compris et elle se contenta de hocher la tête avant de préciser :

  — Je n'avais pas prévu de te l'annoncer ainsi, mais oui.

  De la joie éclaira immédiatement le visage du magizoologiste qui prit immédiatement son épouse dans ses bras. Thésée s'approcha d'Aysha, heureux pour son frère, alors qu'Anne s'excusait de milles façons d'avoir gâché la surprise, tout en s'extasiant qu'elle allait devenir grand-mère.

  — Tu étais au courant, pas vrai ? fit alors Thésée en regardant Aysha avec un sourire taquin.

  Pour toute réponse, l'Occlumens lui sourit en retour et lui fit un clin d'œil avant de venir déposer ses lèvres sur les siennes. Thésée passa alors son bras autour des épaules de la jeune femme après qu'ils se soient écartés l'un de l'autre pour aller féliciter les futurs parents.

  — Bon ! s'exclama soudainement Richard qui avait assisté à tout depuis la porte de la cuisine. N'oubliez pas que Queenie et Jacob sont en train de devenir parents.

  — Oh, oui ! fit alors Norbert que personne n'avait jamais vu aussi joyeux. Il faut y aller ! Ah !

  Et il embrassa une nouvelle fois sa femme, trop heureux pour être timide.

  Thésée resserra son entreinte afin qu'Aysha soit plus proche de lui encore. Leurs yeux se croisèrent et ce fut comme si toutes les peines avaient soudainement disparu.

  Leurs Âmes Tourmentées avaient fusionné pour n'en former qu'une.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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