Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre quinze

  Lorsque Thésée descendit à l'aube, après avoir passé la nuit avec William à discuter du futur de leur groupe, il fut surpris de ne trouver dans le salon que la valise ouverte de son frère. Sans trop d'hésitation, il décida de descendre et s'étonna de ne pas trouver Norbert.

  Faisant alors le tour, il ne tarda pas à trouver Aysha, blottie contre un Hippogriffe. Il sourit, à la fois car il trouvait la scène mignonne, mais aussi car la jeune femme avait l'air paisible.

  Ce fut les deux yeux de l'animal le fixant qui le sortirent de ses pensées. Ne sachant pas trop quoi faire, il sourit, et l'Hippogriffe détourna le regard, le posant sur un magizoologiste occupé à caresser un Niffleur. Lorsqu'il repéra son frère, il demanda :

  — T-Thésée ? Qu'est-ce que tu fais là ?

  — Je me suis dit que je te trouverai là, répondit l'Auror avant de se tourner de nouveau vers Aysha. Comment va-t-elle ?

  Norbert ne lui répondit pas et il déposa le jeune Niffleur dans son nid. Il vint ensuite se poster face à son frère et lui apporta un réponse :

  — Elle n'a pas l'air dérangée par de mauvais rêves. Cela me semble le plus important pour l'instant.

  Ce fut le bruissement d'ailes de l'Hippogriffes qui les alertèrent et ils remarquèrent que la jeune femme était à présent debout, souriant et carressant l'animal qui les donnait des coups de têtes affectueux.

  — Il faut croire que la présence d'animaux m'apaise plus que celle d'humains, railla-t-elle sans regarder les deux frères.

  — Tu nous as entendus ? s'inquiéta Thésée, ne voulant pas être responsable de son réveil soudain.

  — Aurais-je pu entendre quelque chose qui ne m'aurait pas plu ?

  Aysha s'était enfin tournée vers l'Auror, le regard luisant d'un mélange de malice et d'une émotion indescriptible. Il le soutint, incapable de répondre.

  Le magizoologiste regarda un à un son frère et son amie et commença à reculer discrètement, mais l'Occlumens le remarqua et s'amusa :

  — Norbert, je serais heureuse de savoir ce que Tina et toi êtes maintenant.

  — Vous êtes enfin ensemble ?! se réjouit l'Auror.

  — Hein ? Euh... O-Oui... Oui.

  Le sorcier fixait le sol, les joues rouges.

  — C'est pas trop tôt !

  Aysha se mit à rire face à la réaction de l'Auror, amusée aussi par la gène de Norbert. Thésée détourna son regard de son frère et le posa sur la jeune femme. L'entendre rire provoquait en lui un tumulte d'émotions : joie, tristesse, colère envers lui-même... Il ne comprenait pas. Il ignorait pourquoi il ressentait tout cela. Soudainement, ses pensées se tournèrent vers Leta et son cœur se serra. Il s'en voulait.

  Brusquement, Thésée pivota sur ses talons et remonta dans le salon. Le voyant disparaître subitement, Aysha s'arrêta de rire et échangea un regard avec Norbert, surpris lui aussi, qui la questionna :

  — Qu'est-ce... Pourquoi est-il parti comme ça ?

  La sorcière mit du temps à répondre, car elle avait vu dans les yeux de l'Auror une immense peine et avait compris à quoi - ou plutôt à qui - il pensait.

  — Leta, finit-elle par murmurer. Il a pensé à Leta.

  Norbert ne put s'empêcher de ressentir de la peine pour son amie qui secoua la tête avant de proposer :

  — Nous devrions retrouver les autres afin de leur parler du message que nous avons reçu hier et organiser notre départ.

  — Tu as raison.

  Sans un mot de plus, le magizoologiste regarda l'Occlumens saluer l'Hippogriffe et se rapprocher de lui. Tous deux ne tardèrent pas à remonter dans le salon où William et Manuela parlaient avec April sur un ton qui s'approchait de celui d'une dispute. Leur arrivée interrompit leur discussion et Aysha, ne voyant pas leurs autres camarades, leur indiqua qu'il fallait se réunir pour quelque chose d'important. April opina de la tête et courut à l'étage. On l'entendit crier qu'ils devaient tous être dans le salon dans moins d'une minute s'ils ne voulaient pas se faire botter les fesses. Bientôt, Jacob, Queenie et Tina occupaient un premier canapé, Helena, April et Thésée un second, tandis que William et sa fille se tenaient debout derrière ces derniers.

  Tous fixaient Norbert et Aysha, postés face à eux, sauf l'aîné des Dragonneau, perdu dans ses pensées. Les deux amis échangèrent un regard et, face à l'air peu rassuré du magizoologiste, la jeune femme lui murmura :

  — Je m'en charge.

  Elle adressa alors à ses camarades un timide sourire avant de commencer à expliquer, tout en évitant de croiser le regard perdu de Thésée :

  — Nous vous avons réunis, car, hier soir - ou plutôt cette nuit -, nous avons reçu un message de Dumbledore.

  — Comment être sûrs qu'il s'agissait bien d'un message de Dumbledore ? les interrogea Manuela.

  — Il s'agissait de son Patronus. Et avoir un Phénix en tant que Patronus est très rare. Et nous avons reconnu la voix de notre cher professeur.

  — Soit dit en passant, l'interrompit April, avoir un Oiseau-Tonnerre en tant que Patronus n'avait jamais été répertorié.

  Aysha la regarda avec sévérité et elle se tut, ce qui permit à la sorcière de reprendre :

  — Il nous invite à revenir à Poudlard.

  — Attends, la coupa cette fois Helena. Tu veux laisser Emy et Dean ici ?

  — Helena... soupira la benjamine. Ils sont auprès de Grindelwald et ils l'étaient depuis un moment. Je doute qu'il reste là où il est à présent que Queenie est parmi nous, sachant que nous nous sommes nous-même échappés du manoir.

  — Je sais... marmonna-t-elle.

  Les deux sœurs échangèrent un regard compatissant avant qu'Aysha ne reprenne :

  — Dumbledore propose que Manuela et William nous accompagnent. Votre adresse étant connue...

  — Après avoir fait face à Grindelwald en personne, vous voulez encore qu'on vous aide ? s'offusqua Manuela. Je ne suis pas encore dans les viseurs du mage noir, donc, je préfère mener une vie plus tranquille que la vôtre.

  — Mais... C'est vous qui vouliez nous accompagner.

  — Cela importe peu. Je refuse de continuer.

  — Et que ferez-vous si Emy et Dean décident de vous mêler aux affaires de Grindelwald ?

  — Ils ont un plan, répondit Thésée en regardant enfin l'Occlumens.

  — Tu étais au courant ?

  — Oui. Et je ne vois pas pourquoi j'aurais dû te le dire.

 — Comment peux-tu arriver à leur faire confiance après la trahison d'Emy et Dean que nous connaissions ? Contrairement à eux.

  — Si tu réfléchis ainsi, alors à qui fais-tu encore confiance ?

  — J'ai une réponse à cette question et elle risque de ne pas te plaire, rétorqua Aysha en lui lançant un regard noir.

  Thésée ne trouva rien à répondre et ils se fixèrent longuement. L'atmosphère se fit plus pesante et Norbert ne tarda pas à se racler la gorge. Son amie détourna le regard, tandis que Thésée reprenait :

  — Ils ne nous accompagneront pas et savent ce qu'ils vont faire. Et, oui, je leur fais confiance. Maintenant, continuez.

  L'Occlumens émit un rire mauvais avant de reprendre, posant alternativement son regard sur sa sœur et sa meilleure amie :

  — Dumbledore tient à nous voir, Helena, April et moi, chacune individuellement, une fois à Poudlard.

  — Pourquoi ? l'interrogea son aînée.

  — Il semble qu'Aysha n'est pas la seule à avoir des problèmes de confiance, rétorqua Thésée.

  Aysha lui lança un regard glacial, si froid que le jeune homme sentit un frisson courir sur son échine. Il détourna les yeux.

  — Le regard ne sera pas le seul à te tuer si tu ne la fermes pas, l'avertit April qu'il préféra ne pas regarder.

  — Calmez-vous, intervint William. J'ai conscience que les récents événements n'aident pas à nous détendre, mais ce n'est pas le moment de nous déchirer les uns les autres.

  — C'est pour ça que vous partez ? ironisa Aysha. Je doute que vous soyez bien placé pour parler de fidélité.

  — Traites-tu mon père de lâche, Wilson ? s'énerva Manuela en s'avançant pour se trouver face à la jeune femme. Quand on ne sait pas de quoi on parle, on se tait.

  La suite se passa si vite que personne n'eut le temps de réagir. Les deux sorcières avaient sorti leur baguette d'un même mouvement et, malgré l'habilité de la brésilienne qui avait toujours gagné ses duels, ce fut Aysha la plus rapide, la désarment avant qu'elle n'ait pu réfléchir au sort qu'elle allait lancer.

  Sur le visage de l'ancienne Serdaigle, seule la colère se lisait. Ses yeux luisaient d'une haine inexplicable et d'une douleur qui paraissait infinie. Elle ne semblait plus avoir un total contrôle sur elle-même. La Aysha qu'April, Helena, Norbert et Thésée connaissaient venait de disparaître sous leurs yeux. Ils ne remarquèrent pas le blanchissement de la chevelure de la jeune femme, celle-ci venant de lancer un Stupéfix à la sorcière désarmée qui tomba sur le sol.

  — Aysha ! s'écria Thésée en se levant.

  Les yeux qui se posèrent sur lui n'appartenaient plus à celle qu'il avait toujours connue. William se jeta près de sa fille, tandis qu'April attrapait la baguette de son amie, puis sa main, et la tira dans l'entrée. Une fois seules, elle murmura, sur un ton dur :

  — Reprends-toi ! Je pensais que tu savais gérer ce genre de crise maintenant.

  — Désolée de te décevoir, marmonna l'Occlumens qui semblait avoir retrouvé ses esprits. Je n'ai pas autant de contrôle sur ma personne que tu n'as de talent pour dissimuler la vérité.

  — Je t'en prie, rabats-toi sur moi pour te défouler. Je suis capable d'encaisser.

  L'ancienne Serdaigle s'adoucit du mieux qu'elle put et s'excusa. Alors qu'April allait rejoindre les autres, pensant que son amie allait la suivre, elle croisa Norbert qui se contenta de la regarder quelques secondes avant de retrouver Aysha.

  — Laisse-nous, April, lui intima la jeune femme en adressant un timide sourire au magizoologiste.

  Alors qu'elle avait esquissé un mouvement pour revenir auprès de sa meilleure amie, elle retourna au salon, jugeant que Norbert saurait lui parler.

  Quand ils se retrouvèrent seuls, sans même avoir besoin de s'adresser un mot, ils montèrent à l'étage et s'enfermèrent dans la chambre des frères Dragonneau. Ils restèrent un instant silencieux avant que le magizoologiste ne commence :

  — Ça recommencé ?

  — Malheureusement, je crois que ça ne s'est jamais arrêté.

  — Quant tu avais un Boursouf, tu parvenais à mieux contrôler tes crises, non ?

  — On me l'a confisqué quand j'ai été incarcérée à Ste Mangouste. Mon séjour là-bas partait déjà sur de mauvaises bases...

  — Je n'ai jamais osé te demander ce qui avait causé ton incarcération...

  Aysha mit du temps à répondre, tant repenser aux causes de ce qui l'avait menée à l'hôpital, parmi les patients de psychiatrie, était douloureux.

  — L'un de mes homologues a dénoncé une crise. J'ignore qui, mais je sais qu'il était avec moi lors d'une grosse affaire qui m'avait confronté à un groupe de sorciers ayant...

  Elle s'arrêta, mais Norbert savait de quoi elle parlait, car il avait lui aussi, tout comme Leta, été confronté aux mêmes moqueries qui avaient rapidement tourné à du harcèlement. Il savait aussi qu'Aysha avait subi des choses dont il n'avait même pas idée.

  — J'ai manqué de mener l'affaire à l'échec, reprit la sorcière. Et... quelqu'un m'a accompagné à Ste Mangouste par ma faute. Je l'aurais tué si personne n'était intervenu. Si Thésée ne m'avait pas stupéfixiée pour m'arrêter.

  Le magizoologiste observa longuement son amie. Il ignorait que son frère avait aussi assisté à sa dernière crise, celle qui l'avait condamnée à être enfermée en psychiatrie.

  — Tu sais, si je répète sans cesse que je suis une horrible personne et que je me déteste, ce n'est pas sans raison.

  — Tu n'avais jamais été aussi explicite sur la haine envers ta propre personne. J'ai passé deux ans à décrypter le regard de dégoût que tu posais sur ton reflet, l'air peu convaincu que tu prenais lorsqu'on te complimentait ou te félicitait.

  — Es-tu en train de me dire que tu m'as étudiée comme si j'étais une créature qui t'était inconnue ?

  Le ton d'Aysha était doux. Il n'y avait aucun signe de colère, ni même de déception, dans sa voix. Et le magizoologiste en fut rassuré.

  — Tu m'intriguais. Les autres pouvaient te trouver étrange, moi, j'étais fasciné par toi. Tu avais - tu as - un don avec les animaux. Je me voyais en toi et, pourtant, je n'arrivais pas à comprendre qui tu étais. Tu m'intriguais, car nous nous ressemblions tout en étant très différents. Je me souviens de la première fois que nous nous sommes retrouvés seuls, à la lisière de la Forêt interdite. Tu avais trouvé une jeune licorne, à la robe d'or. Elle n'avait pas encore sa corne et devait être âgée d'un an tout au plus. Je n'avais jamais vu quiconque réussir à approcher une licorne. Je t'admirais de loin, ne voulant pas la faire fuir. Je voyais ton regard, ton sourire, ta joie, ta plénitude...

  Norbert fit une pause, réalisant qu'il avait parlé longuement. Cependant, voyant qu'il ne s'en sentait pas gêné et que son amie était suspendue à ses lèvres, il reprit :

  — Et puis, je l'ai vue retourner dans la forêt et nos regards se sont rencontrés. Je me souviens ne pas l'avoir détourné. C'était comme si...

  — Nous nous comprenions, termina la jeune femme. Je me souviens avoir eu ce sentiment. Ce sentiment d'avoir face à moi une personne qui m'était semblable. Je n'avais jamais ressenti ça avant.

  Ils restèrent les yeux dans les yeux, chacun ne retenant plus les larmes que ces souvenirs faisaient remonter. Aysha se mit soudainement à rire doucement et Norbert commença à sourire sans raison. Ils laissèrent cours au flot de leurs sentiments et aux émotions qu'ils avaient gardés en eux pendant si longtemps.

Ils s'arrêtèrent en même temps et le magizoologiste demanda brusquement :

  — Pourquoi l'Oiseau-Tonnerre ?

  L'Occlumens sut qu'il parlait de Thésée et attendit quelques secondes avant de répondre :

  — L'Oiseau-Tonnerre crée des tempêtes.

  — Aux dernières nouvelles, mon frère n'en crée pas, s'étonna le jeune homme.

  Aysha émit un léger rire nerveux avant de lui assurer, d'un air mystérieux :

  — Ça ne se voit pas forcément.

  Norbert comprit immédiatement son allusion et ils échangèrent un nouveau regard. Ils sentirent alors quelque chose se passer.

  En un regard, ils sentirent qu'ils rattrapaient tout ce qu'ils avaient perdu ou oublié. Que tout le mal qu'ils s'étaient fait disparaissait. Mais, plus que tout, ils s'étaient entièrement retrouvés l'un et l'autre.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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