Les Animaux Fantastiques
Tome 2


Chapitre quatre

  Norbert était assis sur les marches de l'escalier face à la Grande Salle, plongé dans ses pensées. La nuit était tombée et il venait de finir le repas. Tina avait accompagné sa sœur jusqu'à sa chambre et Thésée était parti il y a un moment. Aysha ne s'était plus montrée depuis l'arrivée d'Achilles.

  Achilles...

  Dans ses pensées, il n'entendit pas que quelqu'un s'approchait de lui. Il ne vit pas Tina prendre place à côté de lui. Ce ne fut que lorsqu'elle posa sa main sur la sienne qu'il remarqua sa présence, sursautant sur le coup.

  — Hey, murmura-t-elle, l'air inquiète. Ça va ?

  Le magizoologiste ne put répondre. Il baissa la tête et l'Auror savait à quoi il pensait. Ou plutôt à qui.

  — Tu n'as pas à avoir peur, reprit-elle.

  Le sorcier leva la tête vers elle, ne pouvant qu'ouvrir la bouche, tandis qu'elle continuait :

  — L'arrivée d'Achilles était inattendue. C'est vrai. Mais ça ne change rien.

  — Désolé de réagir ainsi.

  — Ce n'est rien. Ne sois pas désolé.

  Ils restèrent silencieux un long moment, regardant les derniers élèves sortir de la Grande Salle pour rejoindre leurs dortoirs. Une nouvelle année avait commencé, alors ceux de première année se perdaient encore parfois. Ce fut Tina qui rompit le silence :

  — J'ai conscience que c'est une situation étrange, mais tu n'as vraiment pas à t'inquiéter. C'est avec toi que je veux être.

  Norbert ne put empêcher un timide sourire d'étirer ses lèvres. Avec douceur, l'Auror posa sa main sur la joue de l'homme et leurs regards se croisèrent. Le magizoologiste murmura alors :

  — Je te crois. Je te fais confiance. Mais c'est en lui que je n'ai pas confiance.

  Tina baissa un instant les yeux avant d'accorder un sourire rassurant au sorcier et de lui répondre :

  — C'est une bonne personne.

  — Mais l'amour ne se contrôle pas, chuchota Norbert, ses yeux toujours dans ceux de la jeune femme. L'amour peut nous pousser à faire des choses qu'on ne veut pas faire. Il t'aime encore. Et je ne peux que le comprendre.

  Il s'écoula quelques secondes de silence alors qu'ils continuaient de se regarder. Dans leurs yeux, l'amour qu'ils ressentaient l'un envers l'autre faisait briller une lueur qui semblait éternelle. Tina se pencha alors vers lui et déposa ses lèvres sur celles de l'homme pour qui son cœur battait. C'était un baiser doux. Elle se détacha bientôt et murmura :

  — Je vous aime, Mr Dragonneau. Vous et toutes vos créatures. Vous plus, évidemment.

  Norbert émit un léger rire.

  — Je vous aime aussi, Mlle Goldstein.

  Tina lui accorda un sourire et se leva. Lui adressant un dernier regard, elle lui tourna le dos et s'éloigna, tandis que Norbert tentait d'ignorer les battements de son cœur et la teinte rouge que ses joues avaient prise.

  Il reste un instant silencieux avant de se lever et de se diriger vers la sortie du château. L'air frais à l'extérieur le surprit sur le coup, mais il continua d'avancer, s'approchant peu à peu de la Forêt interdite.

  La forêt où le lien entre Aysha et lui s'était créé. La forêt où Thésée lui avait avoué aimer l'Occlumens. La forêt près de laquelle Jacob et Queenie s'étaient fiancés.

  Il se laissa guider, trop intensément plongé dans ses songes pour se soucier de la direction qu'il prenait. Pickett passa sa tête à l'extérieur de la poche où il avait élu domicile.

  Il aimait Tina plus qu'il n'avait jamais aimé quiconque. Et il avait si peur... Si peur de faire un pas de travers. Les relations humaines n'avaient jamais été son fort. Il était effrayé de tout gâcher.

  — Pas envie de dormir ?

  Il s'arrêta, surpris, et leva la tête. Il vit bientôt son amie se laisser tomber de la branche où elle lisait un livre et atterir devant lui. Ils se regardèrent un instant avant que le magizoologiste ne lui accorde une réponse :

  — Je n'ai pas la tête à dormir.

  Aysha sembla comprendre. Elle rangea le livre dans la valise qu'elle avait posée près du tronc et s'approcha de son ami pour lui attraper la main. Norbert leva la tête et leurs yeux se croisèrent.

  — Dis-moi tout, murmura-t-elle.

  Voyant qu'il n'osait pas parler, elle le tira pour qu'ils aillent s'asseoir un peu plus loin et alluma une flamme bleue qu'elle avait enfermée dans un bocal.

  — C'est idiot, finit par dire Norbert.

  — Ça ne l'est pas, le corrigea l'Occlumens. Je sais que tu as peur.

  — Je ne peux pas la perdre.

  Des larmes étaient apparues dans les yeux du sorcier et Aysha s'approcha pour lui attraper la main.

  — Tu ne la perdras pas. Elle t'aime trop pour cela, répondit-elle.

  — Il est Auror. Il est courageux. Il sait s'y faire avec les relations. Il est tout ce que je ne suis pas.

  — Et il n'est pas tout ce que tu es, rétorqua Aysha. Tu es la personne le plus... incroyable qu'il m'ait été donné de rencontrer. Tu n'es pas Auror, c'est vrai. Tu es un magizoologiste au grand cœur. Et tu es plus courageux que tu ne le crois. Tina t'aime pour ce que tu es. Pas pour ce que tu n'es pas. Elle ne voit que toi. Achilles n'est qu'une tâche dans le tableau. Vous deux... c'est une évidence. Elle aime la personne que tu es. Elle aime ta timidité, ton côté excentrique.

  Elle s'arrêta, adressant un sourire à son ami qui ne savait pas quoi répondre. Son cœur se serra tandis qu'il sortait sa baguette. Il fit apparaître son Patronus. Une salamandre. Aysha fronça les sourcils, ne semblant pas tout à fait comprendre pourquoi le Patronus du sorcier avait changé pour cette forme.

  — Ses yeux... hésita-t-il. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais... Ses yeux... C'est comme du feu dans l'eau... Comme les...

  — Salamandres, comprit Aysha en souriant.

  Norbert sourit en retour et les deux sorciers s'échangèrent un regard complice. Ils étaient liés par quelque chose de nouveau.

  — C'est un beau Patronus, murmura-t-elle. Il me plaît. Cette salamandre a quelque chose de génial. Elle semble forte et courageuse et vraiment belle.

  Norbert rit en secouant la tête et Aysha lui fit un clin d'œil.

  — Magnifique, la corrigea Norbert. Elle est magnifique.

  — Évidemment.

  Ils se regardèrent et le magizoologiste vit peu à peu le sourire de son amie disparaître.

  — Tout va bien ? demanda-t-il, inquiet.

  — Tu me crois si je te dis que je suis effrayée.

  — Effrayée ? s'étonna le sorcier.

  — Je suis effrayée par ce que je suis. Par ce que je pourrais faire. Je suis effrayée par celle que je pourrais devenir. Je ne mérite pas tout ce que vous me donnez. J'ai fait tellement de mal.

  — Tu ne mérites aucunement tout le mal que tu as reçu, la reprit Norbert. Tu as vécu des choses horribles dont je n'ai même pas idée. Mais ne te refuse pas ton droit au bonheur, Aysha.

  — Et si je ne le mérite pas ? Si tout ce que j'ai fait durant ma vie ne m'en donnait pas le droit ? Je ne suis pas une bonne personne, Norbert. Tu devrais le savoir.

  — Personne ne l'est. Personne n'est rempli que de bienveillance ou de malveillance. Personne n'est pleinement noir ou blanc. Le monde est gris. Nous sommes gris.

  — Tu ne sais pas tout ce que j'ai pu faire. Si c'était le cas, tu ne dirais pas ça.

  — C'est vrai. Je ne sais pas tout. Mais je suis sûr d'une chose. Je sais qu'Aysha Wilson mérite le bonheur. Elle mérite tout ce qu'il y a de meilleur en ce monde.

  Une larme roula sur la joue de l'Auror qui semblait se retenir de pleurer.

  — Norbert... murmura-t-elle. Et si ce que j'avais fait ne me permettait pas d'être pardonnée ? Et s'il n'y avait pas de retour possible ?

  Le magizoologiste regarda longuement son amie. Il laissa une nouvelle larme rouler sur sa joue avant de répondre :

  — Tu n'as plus besoin d'être pardonnée auprès de quelqu'un. Personne ne t'en veut.

  Aysha secoua la tête. Il lui devenait de plus en plus difficile de ne pas fondre en larmes. Elle ferma les yeux si fort que de nombreuses larmes s'en échappèrent. Lorqu'elle les ouvrit de nouveau, ses yeux ne réflétaient plus rien. Ils étaient vides de toute émotion. D'une voix trahissant l'émotion qu'elle parvenait à cacher dans son regard, elle le corrigea :

  — Si. Une personne m'en veut. Je dois encore me faire pardonner d'une personne.

  Le magizoologiste ne comprit pas et fronça les sourcils. Il voulu lui attraper la main, mais elle se leva soudainement et essuya ses joues humides. Il l'entendit renifler tandis qu'elle s'éloignait de quelques pas, sûrement pour cacher qu'elle avait pleuré. Il dut attendre encore quelques instants avant qu'elle ne revienne vers lui, le visage impassible. Ils s'échangèrent un long regard et il sembla comprendre de qui elle parlait. Elle se pencha devant lui et chuchota :

  — Je ne mérite pas d'être amie avec une personne aussi pure que toi.

  Alors qu'elle allait se relever, Norbert lui attrapa la main et la tira vers lui. Elle se laissa faire et, bientôt, tous deux se serraient dans les bras l'un de l'autre. À voix basse, le sorcier reprit :

  — Tu n'es pas qu'une amie, Aysha.

  La jeune femme fronça les sourcils, surprise.

  — Tu es ma famille, termina-t-il.

  Aysha poussa un soupir, serrant un peu plus le sorcier, touchée par ses mots. Une nouvelle larme vint rouler sur sa joue, tandis que ce qu'il avait dit résonnait dans sa tête. Résonnait dans son cœur et son âme.

  Tu es ma famille.

  — Toi aussi, tu es la mienne, finit-elle par murmurer.

  Ils finirent par se détacher et la sorcière remarqua que son ami avait pleuré lui aussi. Avec douceur, elle vint attraper une larme rebelle et murmura :

  — Je n'aime pas te voir pleurer.

  Norbert lui sourit. Elle se leva et regarda le ciel. Les étoiles offraient une belle scène. Le magizoologiste se mit debout à son tour et vint se placer à côté de la Métomorphomage. Il lui attrapa la main et elle baissa la tête pour poser ses yeux sur lui. D'une voix hésitante, il lui promit :

  — Tu te pardonneras à toi-même, Aysha. Je te le promets.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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