Les Animaux Fantastiques
Tome 3


Chapitre neuf

  — Dites ce que vous voulez, je refuse.

  La voix était ferme, ce qui ne sembla pas plaire à la personne à qui cette phrase était adressée. L'homme en question serra le poing, se retenant de hurler quelque chose en retour. La jeune femme face à lui avait tout juste atteint les dix-neuf ans. Son visage était masqué par une capuche dont elle ne s'était pas débarrassée en entrant dans l'auberge où ils avaient rendez-vous. Des mèches blondes, cependant, lui tombaient jusqu'aux épaules et l'homme face à elle pouvait très bien voir l'éclat vert de ses yeux.

  — Je ne vous laisserai pas partir sans avoir obtenu ce que je demande, répondit-il alors.

  La jeune femme face à lui lança un regard noir, jetant un coup d'œil autour d'eux pour vérifier que personne ne les écoutait. Mais il y avait déjà tant de bruit dans l'auberge qu'il était déjà difficile pour l'un d'entendre l'autre.

  — Je ne vais pas me marier avec vous, soutint la jeune femme.

  — Je ne vous en laisserai pas le choix, Mlle Brown.

  — Wilson, le reprit-elle. Et je ne vous laisserai pas me forcer la main.

  — Pourtant, cela vous est aussi avantageux.

  Un sourire mauvais apparut sur le visage de l'homme alors que son interlocutrice laissait son dos reposer sur la dossier de sa chaise, se mordant la lèvre inférieure.

  — D'abord, reprit l'homme, sachez que si vous refusez ma proposition, vous n'aimerez pas ce qui vous arrivera.

  — Si vous me dénoncer, je vous dénonce. Vous tomberez avec moi.

  — J'en ai conscience.

  — Mr Taylor, je ne suis pas sûre de comprendre comment vous pouvez être aussi assuré de vos preuves alors que je n'ai jamais voulu tout ça.

  — J'ai des preuves suffisantes pour faire penser à tous que vous étiez bien plus engagée dans ce meurtre que ce qui est actuellement le cas, railla Simon en levant un sourcil.

  — De fausses preuves, alors.

  — Des preuves quand même. Notre situation est assez simple, Mlle Wilson. Nous nous marions et restons libres ou nous prenons le risque de ne pas le faire et de finir notre vie en enfer.

  — Me marier avec vous m'enlèverait toute liberté. Je préfère être à Azkaban que devenir votre femme.

  Simon lança un regard mauvais à la jeune femme avant qu'un sourire malicieux n'apparaisse de nouveau sur ses lèvres. Il passa une main dans ses cheveux en s'enfonçant dans sa chaise, impatient de révéler la suite de son plan.

  — Justement. Votre enfer à vous ne sera pas à Azkaban. Si je vous dénonce, je ferai en sorte que vous finissiez à Ste Mangouste.

  Cette fois, la jeune Aysha ouvrit de grands yeux, ne pouvant cacher son effroi.

  — J'ai étudié tout ce que je pouvais sur votre vie, fit l'homme en se penchant en avant. Vous ne craignez pas les Détraqueurs, car vous n'avez pas assez connu de joie pour qu'ils s'en nourrissent et vous êtes continuellement habitée par de mauvaises choses, ainsi, leur présence ne change rien pour vous. Une cellule à Azkaban ressemblerait à ce que vous avez toujours eu en étant enfant. Pas de quoi vous effrayez. Cependant, un séjour à Ste Mangouste serait un enfer pour vous.

  Il se terra un instant dans le silence, étudiant le visage de la jeune femme face à lui afin de saisir ce qu'elle ressentait. Mais Aysha avait revêtu un masque d'impassibilité. Il lui était impossible de savoir ce qu'elle pensait. Finalement, ce fut elle qui prit la parole :

  — Si vous me tenez à ce point, pourquoi craignez-vous que je vous dénonce avec de tels risques ? En quoi ce mariage est-il nécessaire ?

  — Parce que je ne vous fais pas confiance.

  — Et vous avez raison, railla la sorcière.

  — Vous êtes douée, Aysha Wilson. Vous êtes manipulatrice et intelligente. Bien des choses qui me mettent dans une position délicate, car sans vous avoir sous ma surveillance, je crains que vous parveniez à tourner les choses de manière à ce que me dénoncer ne conduira pas à votre propre chute. Je crains que vous soyez capable de tout me mettre sur le dos sans me laisser la possibilité de faire de même.

  — Je suis honorée de constater que vous m'accordez tant de talent, mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous pensez qu'un mariage est nécessaire. Je veux dire, même les époux dans un mariage d'amour ne sont pas forcément dignes de confiance.

  — Mais notre mariage ne sera pas un mariage d'amour. Ce sera le moyen pour moi de vous garder à l'œil. Ce sera le moyen pour vous d'échapper à la vie de misère que vous menez. Depuis que vous avez quitté la demeure de vos parents...

  — Ce ne sont pas mes parents, l'interrompit-elle.

  — ... vous vivez dans les rues, vous nourrissez du minimum avec le piètre salaire qu'on vous reverse, continua Simon en ignorant sa remarque. Vous vivez la vie d'un chien errant. Ce mariage vous permettra d'avoir un toit et de quoi vous offrir trois repas par jour. Votre sœur, Helena, cessera de vous traquer pour vous ordonner de vivre chez elle le temps de trouver une solution, parce que je sais que vous refusez d'aller chez votre aînée en raison de l'attache encore trop présente avec ceux qui vous ont détruite. Vos parents.

  — Ce ne sont pas mes parents, répéta Aysha.

  — Quelle importance ? Ce mariage est aussi avantageux pour vous que pour moi. Il vous offrira une vie saine et nous pourrons nous assurer que l'autre ne nous trahit pas. Ce mariage vous évitera un aller simple pour Ste Mangouste.

  — Et si je vous dénonce ?

  — Vous n'aurez pas le temps de trouver un plan suffisamment construit pour que je ne vous fasse pas tomber avec moi. Vous êtes intelligente, et c'est justement pour cette raison que vous savez que me dénoncer maintenant conduira à votre perte. Vous n'avez pas le choix.

  Aysha sembla réfléchir, fronçant les sourcils, et elle poussa un soupir avant d'enlever sa capuche. Sa chevelure d'or visible de tous. Simon avait rarement vu une femme aussi belle, mais il savait que son don de métamorphomagie lui accordait le droit de ressembler à ce qu'elle souhaitait.

  — Dans ce cas, j'accepte.

  Il avait été trop préoccupé par la beauté de l'Occlumens pour remarquer que quelque chose s'était passé dans sa tête. Que ce n'était pas uniquement ses arguments qui l'avaient poussée à accepter. Il n'avait pas remarqué qu'il allait se prendre dans son propre piège.

***

  Assise à son bureau, la jeune Aysha traçait un nouveau trait sur un parchemin abîmé. Le cent-soixante-quatorzième pour exactement le même nombre de jours écoulés depuis qu'elle était devenue Aysha Taylor. Cent-soixante-quatorze jours. Cinq mois et vingt-et-un jours.

  La porte claqua et fit sursauter la jeune femme. Poussant un soupir, elle se leva, rangeant le parchemin sous un des livres posés sur le bord du bureau et sortit de la pièce.

  — Ce n'est pas la peine de claquer la porte comme ça ! hurla-t-elle alors à l'intention de son mari qui venait apparemment de son propre bureau.

  Simon apparut dans le champ de vision de l'Occlumens et ils se fusillèrent du regard. S'avançant vers son épouse, l'homme rétorqua :

  — Ne me dis pas ce que je dois faire.

  — Et toi, ne me dis pas ce que je dois dire.

  La mâchoire de l'homme se contracta alors qu'Aysha lui lançait un sourire moqueur, trop heureuse de lui avoir de nouveau clouer le bec.

  — J'ai déjà mangé, au fait, ajouta-t-elle. Débrouille-toi avec les restes que tu as laissé pourrir le mois dernier.

  — Je pensais avoir été clair sur nos rôles.

  — Je ne vais pas cuisiner pour toi. De toute manière, tu détestes tout ce que je fais.

  — Parce que tu es nulle en cuisine.

  — Alors fais-le toi-même.

  — Donc tu te charges de la vaisselle et du ménage.

  — Espèce de gamin.

  — Tu peux parler. Tu sors tout juste de Poudlard.

  — Il faut croire cependant que, contrairement à toi, je n'ai pas arrêté de grandir à cinq ans.

  Simon lui lança un regard noir, mais Aysha l'ignora et pivota sur ses talons pour se diriger vers le salon. Énervé, l'homme attrapa sa baguette qu'il gardait toujours sur elle et lança un sortilège sur le vase à côté de l'Occlumens pour le faire exploser. Elle s'arrêta avant de se tourner de nouveau vers son époux. Un sourire malicieux étira ses lèvres alors qu'elle attrapait à son tour sa baguette.

  — Tu veux jouer à ça ? demanda-t-elle.

  — J'aurais dû te tuer au lieu de te proposer ce mariage idiot. Ça aurait été plus simple.

  — Oh. Et qu'est-ce qui t'a retenu ?

  Il ne sut pas quoi répondre, alors elle le fit à sa place :

  — La pitié. L'impuissance. Tu étais totalement incapable d'envisager de me tuer et le simple fait de t'en croire capable est suicidaire. Parce que tu as peut-être tué cet homme du ministère, mais moi, je suis capable de bien pire. Moi, je peux tuer autrement que physiquement. Car on m'a bien montré comme on faisait.

  — Tu n'auras jamais le courage de faire une telle chose.

  — Tu veux vérifier ?

  Simon serra davantage sa baguette. Aysha s'approchait nonchalamment de lui. Une fois à sa hauteur, elle s'avança suffisamment pour que le bout de la baguette de son époux soit posé sur sa poitrine, au niveau de son cœur. Elle leva sa propre baguette pour la pointer sur le front de l'homme.

  — Parce qu'il y a pire que la mort, fit-elle alors. Si c'est vraiment à ce jeu que tu veux jouer, je te briserai. Je te détruirai. Avant même que tu n'aies pu réfléchir à la manière dont tu allais me tuer.

  Aysha se délectait de la peur qu'elle pouvait voir dans les yeux de son époux. De sa main libre, elle dégagea la baguette de Simon sans trop de difficulté.

  — Jouons à ce jeu.

  Elle s'approcha davantage, jusqu'à ce que leurs visages soient si proches que chacun pouvait sentir le souffle de l'autre. Elle laissa sa baguette quitter le front de l'homme face à elle et ajouta sur un ton ferme :

  — Et tu perdras.

***

  Le silence qui régnait dans la pièce était pesant. L'atmosphère était chargée d'une tension étrange. Aysha était debout, près de la porte de sa chambre. Elle fixait quelque chose sur le sol. Une forme humaine qui gisait. À côté de cette dernière, un verre brisé. Le reste d'une boisson étalé sur le sol, impregnant le parquet.

  Serrant davantage sa baguette, Aysha fit disparaître le verre et la boisson. Elle s'approcha ensuite de la forme gisante. Elle savait que quelque chose n'allait pas. Qu'à présent, il aurait dû l'attaquer à son tour. Elle n'avait fait que l'endormir pour un temps limité.

  Elle s'abaissa et remarqua immédiatement qu'elle ne pouvait entendre la respiration de l'homme gisant dans son salon. Posant une main sur la poitrine de son époux, elle sut que son cœur s'était arrêté.

  Il était mort.

  Elle l'avait tué.

  Elle avait gagné.

  Se redressant, elle rangea sa baguette et laissa un larme rouler sur sa joue, réalisant ce qu'elle venait de faire.

  Elle avait tué son époux.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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