Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre vingt

  Thésée entra d'un pas rapide dans le château, traversant plusieurs couloirs avant de croiser Helena qui allait dans la direction opposée. Ils se saluèrent d'un simple mouvement de la tête et continuèrent leur chemin. Cependant, après quelques pas, le jeune homme fit demi-tour et rejoignit la sorcière qui s'arrêta.

  — Excuse-moi Helena, fit-il en se postant face à elle. Pourrais-tu me dire où est Aysha ?

  — Je pourrais. Le vouloir est autre chose. Que lui veux-tu ?

  — Tu as parlé à April ?

  — Peu importe, marmonna la jeune femme. Qu'est-ce que tu lui veux ?

  — Je veux juste lui parler.

  L'Auror ouvrit la bouche pour répondre, mais la voix d'April retentit derrière Thésée :

  — Laisse-le lui parler.

  — Mais... commença Helena.

  — Laisse-le lui parler, insista la jeune femme.

  Thésée se retourna vers elle et il vit une lueur de malice dans son regard. Peu rassuré, il fit un pas vers elle, tandis qu'elle révélait :

  — Tu la trouveras à la bibliothèque.

  — Merci.

  — Ne me remercie pas trop vite, railla April avec un sourire narquois.

  Sur ces mots, elle disparut dans un couloir et Helena ne tarda pas à la suivre sans même adresser un mot au jeune homme. Ce dernier hésita un instant, intrigué par l'air qu'avait pris April, avant de se décider à partir vers la bibliothèque. Il traversa de nouveau de nombreux couloirs, emprunta quelques escaliers et arriva à destination, non sans appréhension. Il entra dans la pièce le plus silencieusement possible, saluant la bibliothécaire et ne tarda pas à trouver Aysha, discutant à voix basse avec une fille de Serpentard. Il s'approcha discrètement, observant la jeune femme qui souriait si sincèrement qu'il sentit son cœur se serrer. Alors qu'il la regardait toujours, elle leva la tête vers lui.

  — Thésée ? s'étonna-t-elle.

  L'élève de Serpentard se tourna vers le jeune homme et la sincèrité du sourire de l'Occlumens disparut.

  — Je suis désolé de vous déranger, marmonna-t-il.

  pour toute réponse, Aysha se leva, posa un instant sa main sur l'épaule de la jeune fille, comme pour la saluer, et se dirigea vers la sortie, bousculant volontairement Thésée au passage. Pris de court, il pivota sur ses talons, hésita un instant avant de la suivre. Il dut accélérer le pas une fois hors de la bibliothèque afin de la rattraper.

  — Mais où vas-tu ? demanda-t-il.

  Elle ne répondit pas, continuant à avancer, et, bientôt, ils se retrouvèrent à l'extérieur du château. Aysha finit par s'arrêter devant le lac et Thésée vint se placer à sa droite, tourné vers elle.

  — Je... commença-t-il.

  — Ferme-la, le coupa-t-elle sur un ton sec.

  — Aysha...

  — Ferma-la, Thésée. Je ne veux pas t'entendre. Tu ne sembles pas voir à quel point tes mots sont douloureux et me font l'effet de poignards que tu plantes toujours plus profondément dans mon cœur.

  Elle se tourna vers lui, le visage tiré par une haine qu'elle ne masquait plus.

  — Je suis désolé, répéta-t-il.

  — Arrête de t'excuser ! Ce ne sont que des mots. Ça n'a aucune valeur.

  — J'en ai bien conscience et j'en suis navré. Je serais prêt à tout pour me faire pardonner, pour réparer mes erreurs.

  — Je crois cela impossible, Thésée Dragonneau. Tu m'as détruite en ne faisant rien. Tu m'as ignorée alors que j'avais besoin d'aide. Tu as exposé ton bonheur alors qu'il me rendait malade.

  Les larmes aux yeux, elle commença à s'approcher de l'homme, le poussant toujours un peu plus à chaque pas, ne retenant pas sa force.

  — Dis-moi qui m'a dénoncée ? Qui m'a conduit droit à la prison qu'était Ste Mangouste ?

  — Insinues-tu que j'y suis pour quelque chose ?

  — Sais-tu ce que j'ai vécu là-bas ? Les cauchemars que j'étais parvenue à chasser qui ont refait surface à cause de cet asile de fous. Parce que c'était bien là où j'étais.

  Elle s'arrêta d'avancer, imitée par Thésée, et elle reprit :

  — Tu sais ce que ça fait d'être enfermée avec des gens qui sont incapables de prononcer un seul mot, d'entendre à longueur de journée des cris de douleur et d'hystérie, de voir des regards vides se poser sur toi ? J'en suis venue à espérer ne plus être assez lucide pour assister à tout ça. J'espérais de tout mon être ne plus avoir à vivre parmi eux. Parmi les miens.

  — Tu n'es pas folle, Aysha.

  — Ah oui ? Alors pourquoi m'a-t-on envoyée parmi eux ?

  — Tu allais mal, répliqua Thésée. Tu avais besoin d'aide.

  — La faute à qui ?

  — Je ne t'ai pas dénoncée. Ça, je te le promets.

  Aysha s'approcha d'un pas et articula :

  — Dis-moi qui m'a envoyée dans cette prison.

  Leurs visages étaient si proches qu'ils pouvaient sentir le souffle l'un de l'autre. Ils restèrent ainsi de longues secondes, l'atmosphère devenant électrique. Thésée finit par se détourner, les larmes aux yeux, avant de murmurer, comme si les mots le faisait souffrir :

  — Leta... C'est Leta qui t'a dénoncée.

  La nouvelle eut l'effet d'un poignard qui transperce son cœur. Elle en eut le souffle coupé, incapable d'y croire.

  — Tu mens ! s'exclama-t-elle, les larmes aux yeux. Vous mentez, Mr Dragonneau.

  — Non, Aysha. C'est la vérité.

  Le coup partit si vite qu'il ne le vit pas venir. Il dut se remettre les idées en place, tant la gifle qu'il avait reçue était puissante.

  — Je suppose que je l'ai méritée.

  — Tu mérites bien pire, selon moi.

  — Pourtant, malgré notre envie commune de ne pas y croire, je dis la vérité.

  Aysha recula d'un pas, un air perdu imprimé sur le visage.

  — Comment a-t-elle pu faire une chaise pareille ? s'offusqua-t-elle d'une voix faible. Nous étions amies... Comment...

  — Je sais. J'ai voulu l'en empêcher, mais ayant manqué de me faire tuer, elle ne m'a pas écouté.

  — Je ne voulais aucunement te tuer. Et on ne peut pas dire que Leta allait parfaitement bien dans sa tête, non plus.

  Thésée ne répondit rien et s'avança vers la jeune femme. Il lui attrapa la main, mais elle le repoussa, si brusquement qu'il trébucha et tomba en arrière, dans le lac. L'Occlumens se mit à rire sans pouvoir s'arrêter, tandis que le jeune homme sortit difficilement de l'eau. Il s'efforçait de sourire un minimum. Lorsqu'il parvint à revenir sur la terre ferme, il se sécha avec sa baguette et secoua la tête, légèrement amusé par la situation. Aysha s'arrêta soudainement de rire et fixa le sol.

  — Te souviens-tu de notre rencontre ? demanda-t-elle.

  Étonné par cette question qui semblait sortir de nulle part, il ne put répondre. Il ignorait pourquoi elle lui demandait cela. Bien sûr qu'il s'en souvenait. C'était au début de l'été 1913...


  Thésée venait d'obtenir les résultats de ses examens de dernière année et était plutôt satisfait. Il s'était donc permis de faire un tour à Londres et rentrait à présent chez lui. Il savait que son frère avait invité - enfin -, sa mère avait invité pour la première fois deux amies de son benjamin. Cependant, il fut surpris de ne trouver qu'une jeune fille à la chevelure blonde, lisant un livre, dans le salon. Il alla regarder par la fenêtre et vit que son frère discutait face aux Hippogriffes avec une jeune fille de son âge : Leta. Il se retourna vers l'amie de son frère derrière lui et murmura :

  — Mon frère vous a-t-il vraiment laissée seule pour aller discuter avec votre amie ?

  — Qui vous a dit que j'étais seule ? s'amusa-t-elle en sortant de sa lecture, le sourire aux lèvres.

  Thésée vint s'asseoir face à elle et se présenta :

  — Je suis Thésée et vous devez être Aysha.

  — On vous a donc parlé de moi ?

  — Norbert m'a parlé de vous, en effet.

  Ils s'échangèrent un sourire et le jeune homme posa son regard sur le livre que tenait Aysha.

  — Puis-je me permettre de vous demander ce que vous lisez ?

  Pour toute réponse, elle lui montra le titre, un léger sourire étirant ses lèvres. Les Hauts de Hurlevent était un roman que Thésée ne connaissait que de nom.

  - En aimez-vous la lecture ?

  — J'ai eu du mal à commencer - le début est assez long -, mais il vaut le coup.

  — Ravi de l'entendre. La lecture peut-être vraiment réconfortante, n'est-ce pas ?

  — À qui le dites-vous ?

  Ils s'échangèrent un nouveau sourire avant qu'Aysha ne se racle la gorge et l'interroge :

  — Puis-je savoir quel est votre livre préféré ?

  — Question intéressante.

  — Le livre préféré d'une personne nous donne beaucoup d'informations sur la personne elle-même. Ne trouvez-vous pas ?

  — Vous avez probablement raison. Je dois avouer que je chérie plus que tout Les Âmes Tourmentées de Sarah Davies.

  Ce fut de la surprise qui apparut sur le visage de la jeune fille.

  — Les Âmes Tourmentées de Sarah Davies ? répéta-t-elle, ne semblant pas y croire.

  — En effet. Qui a-t-il ? Vous allez bien ?

  Des larmes avaient rempli les yeux d'Aysha qui secouait la tête, un sourire nostalgique sur les lèvres.

  — C'est un livre qui a une grande importance pour moi. L'écriture est...

  — Incroyable, oui. Et l'histoire...

  — Des plus touchantes, en effet.

  Ils s'échangèrent un sourire avant que Thésée ne reprenne :

  — J'ai été navré d'apprendre que l'auteure était décédée peu de temps après la sortie de son livre.

  — Le lendemain, précisa Aysha en souriant tristement. Quelques jours après ma propre naissance.

  Le jeune homme sembla soudainement comprendre quelque chose.

  — Avez-vous deux sœurs aînées ?

  — En effet. Helena et Emy, murmura-t-elle, semblant savoir qu'il avait compris.

  — Votre père... est-il... ?

  — Décédé avec ma mère ? Oui, acheva l'adolescente en hochant légèrement la tête.

  Thésée regarda un instant la jeune fille face à lui. Un silence s'installa durant quelques secondes, tandis qu'ils s'observaient.

  — Sarah Davies est votre mère, finit par dire le jeune homme.

  — Était, le corrigea Aysha.

  — Elle sera toujours votre mère. Mes deux parents sont toujours en vie, je ne peux donc pas vous dire que je comprends votre douleur, mais je sais que votre mère ne vous a jamais quittée.

  — Ne me dites pas que vous allez me faire ce discours disant que ma mère vit dans mon cœur et cetera.

  — Non, lui assura Thésée. Ce sont dans les livres et dans votre mémoire que vous la garder en vie. Votre mère est dans la mémoire commune de ses lecteurs.

  — Elle me manque.

  — Oui. Je veux bien le croire. Et il n'existe pas de remède miracle au deuil et au manque. Alors vous avez le droit de pleurer, de hurler et de tout détruire.

  — Je n'en suis pas si sûre... Je n'ai jamais connu mes parents. Ils ne sont pas censés me manquer, car je ne l'ai jamais vraiment connus.

  — Votre peine est légitime, Aysha. Vous avez le droit de vous sentir mal, détruite, brisée. La vie n'est pas un paisible lac. C'est un véritable océan dont les tempêtes qui agitent ses flots sont parfois difficiles à contrôler.

  La jeune fille parut légèrement soulagée d'entendre ces mots. Elle aurait voulu le remercier, mais à peine eut-elle ouvert la bouche que la porte s'ouvrit, laissant entrer Norbert et Leta.

  — T-Thésée ? s'étonna le benjamin des Dragonneau.

  — Alors, comme ça, tu abandonnes tes invités ?

  — Je...

  Il regarda Aysha qui ne pouvait s'empêcher de sourire en regardant Thésée.

  — Je t'en remercie, finit par admettre l'aîné des deux frères. Au moins, j'ai pu faire sa connaissance.

  Il se tourna vers la jeune fille et ils s'échangèrent un sourire, avant de se mettre à rire doucement.

  — Je n'ai jamais été aussi heureuse de te voir sourire, Aysha, admit Leta. Ce n'est pas une chose facile de la faire sourire.

  Elle s'était adressée à Thésée, une lueur de malice dans les yeux. Elle ignora le regard noir que lui lança Aysha qui ne pouvait s'empêcher de sourire. Thésée parut légèrement gêné, mais Aysha le détendit :

  — Ce n'est pas de ma faute si vous m'exaspérez tous les deux.

  Elle émit un léger rire, rapidement imitée par Leta et Thésée, tandis que Norbert se grattait le crâne avec un sourire gêné. Aysha et l'aîné des Dragonneau s'échangèrent un nouveau regard qui dura plus longtemps que tout autre.


  Aysha et Thésée sortirent de leurs pensées et la jeune femme alla s'asseoir contre un arbre. Hésitant un instant, l'homme ne tarda pas à venir s'installer face à elle.

  — Je n'ai jamais voulu te faire de mal, lui assura-t-il, le regard peiné.

  — J'espère bien, railla l'Occlumens, les larmes aux yeux.

  Il s'écoula quelques secondes de silence avant qu'Aysha ne reprenne d'une voix faible :

  — Tu sais à quel point j'ai horreur de te détester ? Je donnerai tout pour ne pas avoir à ressentir cette haine envers toi.

  — Si je pouvais revenir en arrière...

  — Mais ce n'est pas possible. Enfin, techniquement, si, mais tu ne peux pas effacer ce que tu as fait, Thésée.

  — Je serais prêt à m'excuser toute ma vie. Et je sais que ce ne sont que des mots. Je donnerai tout pour me faire pardonner, car je...

  Il s'arrêta soudainement sous le regard empli de larmes de son amie qui secoua la tête avant de marmonner :

  — Leta... Leta est morte.

  — Oui... confirma Thésée, l'air triste. Elle est morte et tu n'es en aucun cas responsable de cela. Le seul responsable, c'est m-

  — Grindelwald, l'interrompit la jeune femme. Le seul responsable de la mort de Leta est Grindelwald lui-même. Norbert m'a tout raconté sur ce qu'il s'est passé cette nuit-là. Aucun de vous n'est responsable des méfaits de ce...

  Elle cherchait le mot parfait pour définir Grindelwald. Elle aurait voulu dire que c'était un fou, mais elle savait que ce n'était pas le cas. Elle connaissait suffisamment la folie pour savoir que le mage noir n'en souffrait pas.

  — Si je le pouvais, murmura Thésée, la sortant de ses pensées, je saurais quoi dire pour assoupir ta peine.

  Ils s'échangèrent un nouveau regard, semblant se transmettre toutes les émotions qu'ils avaient enfouies au fond de leur âme, bien incapables de les exprimer à voix haute.

  — Je te promets de tout faire pour que tu me pardonnes, murmura le jeune homme.

  — Je te promets de tout faire pour te pardonner.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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