Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre trente

  Du côté de Poudlard, quelques jours sont passés depuis les fiançailles de Queenie et Jacob. Le jeune couple nageait d'ailleurs dans un bonheur qu'ils ne pensaient plus possible en cette période.

  Ils étaient à présent tous réunis devant le bureau du professeur Dumbledore qui les avaient convoqués pour ils ne savaient quelle raison.

  Cela faisait à présent de longues minutes qu'ils attendaient tous devant la salle, semblant s'impatienter. Norbert et Tina discutaient dans leur coin, tandis que Queenie et Jacob exposaient à Aysha leurs plans de mariage. Helena, quant à elle, se dirigea vers Thésée et lui murmura :

  — Au fait, merci pour ce que tu as fait pour Aysha.

  — Merci ? s'étonna le jeune homme. De quoi parles-tu ?

  — De tout. Je crois que tu as été son plus grand soutien depuis la mort d'April. J'ai pas été une super sœur. Je ne l'ai jamais vraiment été, à vrai dire.

  — Ne dis pas une telle chose. Ne te souviens-tu pas ce qu'Aysha a dit ? Que tu lui as sauvé la vie.

  — Ça veut surtout dire que j'ai continué à la faire souffrir en la forçant à rester dans cet enfer qu'était sa vie. Parfois, la mort est le meilleur remède.

  — Je ne suis pas entièrement d'accord. Aysha méritait le bonheur. Il fallait juste... faire des sacrifices pour le lui offrir.

  — Tu serais prêt à en faire ? le questionna la jeune femme.

  — Évidemment. La question ne se pose même pas. Écoute, je comprends ton sentiment de culpabilité. Je ressens la même chose. Ou du moins, quelque chose qui s'en rapproche. Mais, toi, tu n'as rien à te reprocher.

  — Comment peux-tu me l'assurer ? Que peux-tu savoir de ce que j'ai pu faire ?

  Thésée n'eut pas le temps de répondre, car Dumbledore avait choisi ce moment pour apparaître. Il leur intima d'entrer et les sept amis furent surpris de trouver trois personnes dans le bureau du professeur. Tina croisa le regard de l'un des inconnus, une femme élégante qui tenait un livre.

  — Eulalie ? s'étonna l'américaine.

  — Bien le bonjour, Tina.

  Les deux jeunes femmes se rapprochèrent pour s'enlacer sous les regards interloqués de leurs camarades. Certains d'entre eux purent aussi reconnaître les deux personnes accompagnant la dénommée Eulalie.

  — Veuillez accueillir Eulalie Hicks, Yusuf Kama et Nagini qui vont vous aider pour les événements à suivre. Le professeur Hicks enseigne les sortilèges à Ilvermorny. Nagini et Kama ont déjà pu côtoyer, d'une certaine manière, Thésée, Norbert, Tina et Jacob. J'espère que vous les accueillerez convenablement. Une autre personne devrait nous rejoindre le moment venu.

  — Oui, parce que pour l'instant, on a pas du tout de plan, les informa Aysha sur un ton grinçant.

  Seule Eulalie lui adressa un sourire, Nagini la regardant étrangement et Kama semblant la détailler.

  — Qu'est-ce que vous regarder ? lui demanda-t-elle en accompagnant ses mots d'un mouvement de la tête.

  — Rien. Excusez moi. Mlle ?

  — Wilson. Aysha Wilson, répondit Albus à sa place. Et voici sa sœur aînée, Helena Wilson, et la sœur de Tina, Queenie Goldstein.

  — Enchantée, dirent d'une même voix Nagini et la professeure de sortilèges.

  Aysha leur adressa un sourire et Albus reprit :

  — Bien. Comme l'a dit Aysha, nous n'avons pas de plan. Pour l'instant, j'ignore comment nous allons procéder. J'ai déjà pu faire venir ces trois personnes, car elles sont prêtes à nous aider à trouver un plan.

  — Vous n'avez plus de cours, professeure Hicks ? l'interrompit volontairement Aysha.

 — L'année est terminée. Et je ne surveille pas d'épreuve cette fois. Alors, en effet, je suis un peu en vacances.

  Les deux jeunes femmes s'échangèrent un sourire alors que le professeur Dumbledore récupérait l'attention de tout le monde :

  — Bien ! Maintenant que vous vous connaissez tous et que vous savez quels sont les différentes avancées, bien que nulles, de nos plans, je vais vous laisser profiter du reste de la journée. Je sais qu'il y a des préparations de mariage à organiser. Alors je vais vous laisser vous y adonner.

  — Pourront-ils tout de même assister à notre mariage ? demanda Queenie avec un grand sourire.

  — Évidemment. En attendant, profitez du reste de cette journée !

  — On n'y manquera pas ! s'amusa Jacob en sortant le premier en compagnie de sa fiancée.

  Nagini et Kama furent les premiers à les suivre et Helena se dépêcha de les rejoindre, ayant sûrement en tête de leur faire visiter le château ou quelque chose du genre. Norbert salua le professeur de métamorphose, imité par Tina et ils sortirent à leur tour. Aysha s'apprêta à faire de même, mais Albus l'interpella :

  — Aysha ! Peut-on parler ?

  — Non, répondit sèchement l'Occlumens sans le regarder.

  — Aysha...

  — Non, c'est non, la soutint Thésée.

  La Métamorphomage n'attendit pas plus pour quitter le bureau, suivie de prêt par Thésée qui prit cependant une direction différente à la sienne. Aysha sortit du château et marcha inconsciemment dans les pas de Norbert et Tina. Lorsqu'elle les aperçut au loin, elle s'arrêta et alla s'asseoir face au lac. Elle était si plongée dans ses pensées qu'elle ne remarqua pas l'arrivée du professeur Hicks qui devait l'avoir suivie.

  — Puis-je me joindre à vous ? demanda cette dernière.

  Aysha sursauta et sortit de ses songes. Elle se tourna vers elle, lui adressa un sourire pour acquiescer et la regarda s'asseoir. Elles restèrent silencieuses un long moment avant que l'américaine ne prenne la parole :

  — Certains de mes collègues parlent encore de vous.

  Surprise, la Métamorphomage se tourna vers son interlocutrice, fronçant les sourcils.

  — Ils disent que vous étiez une enfant rebelle qui aimait enfreindre le règlement, ce qui vous avait coûté votre expulsion. Ils en ont été très déçus, car selon eux, vous étiez une élève brillante qui avait juste besoin d'aide.

  Aysha ne répondit rien, se contentant d'écouter.

  — Qu'ont-ils fait pour vous, Mlle Wilson ?

  L'Auror se tourna vers Eulalie et mit quelques secondes à lui apporter une réponse :

  — Le problème à Ilvermorny n'a jamais été les professeurs. Mais plutôt les autres élèves. Ils ont fait ce qu'ils ont pu j'imagine. Il faut dire que je ne suis pas un cas facile.

  — Je veux bien le croire.

  — Ah, et appelez-moi Aysha. Le fait que vous aillez un livre dans la main vous en donne de suite le droit.

  — Dans ce cas, appelez-moi Eulalie, répondit-elle, amusée.

  Un peu plus loin, Norbert avait emmené Tina voir un arbre où logeaient quelques Botrucs.

  — N'ayez pas peur, murmurait le magizoologiste à l'intention des petites créatures.

  Quelques uns d'entre eux s'aventurèrent à l'extérieur et Norbert put en prendre un pour le montrer à Tina. Pickett avait sorti quant à lui sa tête de la poche poitrine du sorcier, l'air boudeur.

  — Ils vivent dans les... commença le magizoologiste

  — ... arbres destinés à faire des baguettes, oui, termina Tina avec un grand sourire, accueillant le Botruc dans sa main.

  Aussi insignifiant cela pouvait-il paraître, cette information donnée par la jeune femme avait quelque chose de magique pour le jeune homme. Il la regarda, les yeux luisants. Il ne put empêcher un léger sourire d'étirer ses lèvres tandis qu'il regardait la sorcière jouer avec le Botruc.

  — Je n'arrive pas à croire qu'ils peuvent en arriver à crever les yeux du bûcheron qui coupera leurs arbres, murmura Tina en tournant son regard vers le magizoologiste.

  Ce dernier secoua la tête, rougissant, et lui adressa un timide sourire avant de répondre :

  — C'est vrai qu'ils n'ont pas bien l'air féroce à première vue.

  Ils s'échangèrent un long regard. Norbert fut cependant le premier à le détourner, les joues brûlantes. Alors qu'il allait dire quelque chose, l'Auror le devança :

  — Je t'aime.

  Les joues de la jeune femme s'empourprèrent autant que celles du magizoologiste, tandis qu'elle reprenait :

  — C'est vrai... Je voulais juste le dire.

  — Moi aussi... balbutia Norbert. Moi aussi, je t'aime.

  Ils se sourirent l'un à l'autre et se sentirent si heureux qu'ils pensaient que personne ne pouvait l'être plus. Soudainement, le jeune homme sortit sa baguette et expliqua :

  — Je voudrais te montrer quelque chose.

  Tina était attentive et se trouva surprise lorsque le sorcier lança un Spero Patronum. Il put créer un patronus corporel. Et pas n'importe lequel. L'Auror se trouva plus étonnée encore de constater qu'il s'agissait d'une salamandre.

  — Ça n'avait jamais été mon patronus avant... notre rencontre, murmurait Norbert en regardant le patronus. Il me fait penser à toi.

  La jeune femme dut se mordre la lèvre pour arrêter de sourire. Elle regarda encore un moment la salamandre avant de comprendre quelque chose. Hésitante, elle demanda :

  — Alors... Aysha... Le fait que son patronus ait changé ?

  Norbert ne sut pas quoi répondre, ce que Tina remarqua alors elle lui adressa un sourire rassurant et murmura :

  — Je ne t'oblige pas à me donner une réponse. Si tu ne peux ou ne veux rien dire, aucun problème.

  Le magizoologiste lui adressa un sourire de remerciement et Tina reprit :

  — Je... Je voudrais retrouver un peu Eulalie. Nous étions à Ilvermorny et ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue.

  — Évidemment, fais ce qu'il te plaît, lui assura-t-il.

  Elle le remercia avec un sourire et le salua, lui rendant le Botruc, avant de pivoter sur ses talons et de s'éloigner, non sans un dernier regard vers le magizoologiste. Avançant rapidement, elle ne tarda pas à repérer Aysha et Eulalie qui discutaient devant le lac. Elle s'approcha et leur signala sa présence en se raclant la gorge. La Métamorphomage sembla comprendre immédiatement son intention et les salua pour les laisser seules. Elle en profita donc pour rejoindre Norbert d'un pas rapide. Celui-ci s'était à présent assis devant le lac, écrivant dans un carnet.

  Elle s'approcha discrètement et, une fois dans son dos, demanda :

  — Tu écris un autre livre ?

  Le magizoologiste sursauta ce qui fit rire son amie. Cette dernière vint s'asseoir à côté de lui et s'excusa.

  — Non, je prends juste des notes, répondit Norbert.

  — Sait-on jamais... Peut-être que ça en deviendra un. Si c'est le cas, je veux être la première à le lire.

  — J'y réfléchirai.

  — J'en suis ravie !

  Il s'écoula quelques secondes durant lesquelles tous deux restèrent silencieux, fixant l'étendue silencieuse du lac. Dans ses pensées, Aysha murmura finalement :

  — Je crois que j'aimerais bien écrire un livre.

  — Un livre ? s'étonna Norbert qui n'avait jamais entendu son amie parler d'un tel projet.

  — Oui. Comme ma mère.

  Elle se tourna vers Norbert, lui adressa un sourire triste et reprit :

  — Je veux dire... Je n'ai jamais eu de but dans ma vie. Je suis devenue Auror presque par défaut. Et c'est vrai que j'aime ça sur certains points. Mais c'est loin d'être exactement ce que je souhaite.

  — Es-tu sûre qu'écrire un livre est ce que tu veux ou est-ce juste une idée qui pourrait te rapprocher de ta mère ?

  — Je... Un peu des deux... hésita l'Occlumens. Si j'écrivais un livre, je doute que ce soit complètement de la fiction ou même que ça sera aussi bien écrit que ma mère. On ne peut pas dire que j'ai de grandes capacités rédactionnelles. Je crois qu'il y a un certain besoin derrière cette envie. Pour me rapprocher de ma mère. Mais aussi pour juste... tout dire. Tout révéler. Tout exprimer. Je pourrais écrire mes maux. Écrire tout ce que je ne peux dire. Et peut-être faire passer ça pour de la fiction. Je m'en fiche. Tout ce dont j'ai besoin, c'est de tout lâcher. De ne plus rien avoir à enfermer en moi. De ressentir autre chose que ce qui me consume depuis toujours. Je veux me libérer de ces souvenirs. Pour autant, je ne veux pas qu'on me prenne en pitié. Je n'en peux plus.

  Elle s'arrêta un instant de parler et Norbert ne savait pas quoi dire. Ils restèrent tous deux silencieux un long moment, mais une fois encore, ce fut Aysha qui rompit le silence :

  — Si tu écrivais un livre sur ta vie, quel en serait le titre ?

  Le magizoologiste parut surpris par cette question auquel il ne put apporter de réponse, alors la jeune femme reprit :

  — Moi... Je ne sais pas vraiment... Peut-être... Quelque chose de significatif. Encore faudrait-il en trouver une signification.

  — Tu trouveras, j'en suis sûr, lui assura le magizoologiste. Écrire un livre, ce n'est pas quelque chose qu'on doit se forcer à faire. Si tu n'écris pas un livre par envie, par besoin personnel, par passion... on le ressentira. Je ne peux que t'encourager dans cette voie.

  Aysha se mit soudain à rire, sans que Norbert n'en comprenne la raison. Il la regarda avec attention et remarque qu'elle avait les larmes aux yeux.

  — Tout va bien ? s'inquiéta-t-il.

  — Je crois oui. C'est dingue. Je ne sais pas ce qui m'arrive. J'ai l'impression que tout va bien. Mon corps est rempli d'une étrange chaleur. J'ai envie de rire et de sourire. Il n'y a pas de raison particulière. Et puis, je pleure. Je ne comprends pas.

  Le magizoologiste lui adressa un timide sourire, comprendant ce qu'il se passait. D'une voix douce, il murmura :

  — Tu es heureuse, Aysha. C'est ce qui t'arrive.

  L'Occlumens regarda son ami avec étonnement. Son sourire s'agrandit et elle se mit à pleurer, un mélange de joie et de tristesse. Ne sachant pas trop quoi faire, Norbert se tourna vers elle et la prit maladroitement dans ses bras. Aysha lui rendit immédiatement son étreinte, ce qui permit au magizoologiste de se détendre un minimum. D'une voix faible, la jeune femme se permit de murmurer :

  — Si tu savais à quel point ta place est grande dans mon cœur. Je ne veux plus te perdre.

  Le sorcier s'étonna de telles paroles. Cependant, il sut quoi dire et chuchota en retour :

  — Toi aussi. Toi aussi ta place est grande dans mon cœur et je ne veux pas te perdre. Tu comptes beaucoup trop pour moi.

  Aysha resserra son étreinte et ils restèrent ainsi de longues minutes. Ce fut la jeune femme qui se détacha et qui, l'air malicieux, demanda :

  — Quand est-ce qu'on aura la même nouvelle que Queenie et Jacob pour Tina et toi ?

  Les joues du magizoologiste rosirent rapidement et l'Occlumens le rassura en lui faisant un clin d'œil. Elle se leva ensuite, imitée par son ami, et expliqua :

  — Je vais te laisser. Je voudrais dire deux mots à ton frère.

  — Dois-je m'inquiéter ?

  — Non. Je ne crois pas, non.

  Elle commença à s'éloigner. Après quelques pas, elle se retourna, marchant à reculon, et ajouta une dernière chose :

  — Je suis heureuse après tout, non ?

  Norbert lui répondit par un immense sourire, heureux pour elle. Aysha lui fit un clin d'œil et se retourna pour éviter de se prendre quoi que ce soit en marchant à reculon. À l'approche du château, elle repéra Jenny qui discutait avec quelqu'un. Lorsque celle-ci la vit, elle salua la personne à qui elle parlait et rejoignit Aysha, le sourire aux lèvres.

  — Bonjour, Jenny ! s'exclama Aysha. Comment vas-tu ?

  — Ça va. Je viens juste de sortir de l'épreuve d'Histoire de la Magie. Je pense m'en être pas si mal sortie si on oublie que j'ai joué au hasard pour donner les dates.

  — C'est sûr que ce n'est qu'un détail, ironisa l'Occlumens.

  — Et vous, comment allez vous ?

  — Eh bien... À merveilles !

  — Je suis ravie de l'entendre. Et puis, ça se voit sur votre visage. Vous semblez vraiment heureuse.

  — Je le suis. Pour beaucoup, ce qu'il s'est passé ces derniers temps est vraiment très triste. Mais nous avons enchaînés des bonnes nouvelles et les mauvaises ne me semblent tout simplement pas... vraies. Je me fiche bien de savoir que je suis dans le déni ou non. Je veux profiter de ce bonheur. C'est si agréable. Peut-être que tout me retombera dessus d'un coup, mais je veux juste déguster cet instant.

  — Je comprends tout à fait, approuva la jeune fille avec un grand sourire. Vous le méritez plus que tout.

  — Ce n'est pas que je ne veux pas te voir, mais tu saurais où se trouve Thésée ?

  — Thésée ? s'étonna Jenny. J'ai entendu dire qu'il se balladait près de la Forêt interdite.

  — D'accord, merci ! Bon courage pour le reste de tes épreuves !

  L'Occlumens ne lui laissa pas le temps de répondre, car elle la salua d'un signe de la main et partit en direction de la forêt. Son pas rapide trahissait sa hâte. Son cœur battait si vite qu'elle avait l'impression que même Jenny pouvait l'entendre.

  Il ne lui fallut pas longtemps pour apercevoir au loin son collègue. Elle dut ralentir le pas et son sourire s'effaça lorsqu'elle remarqua ce qu'il regardait. Trois Sombrals semblaient curieux de la présence du sorcier.

  Aysha s'approcha discrètement et, lorsqu'elle fut à quelques pas derrière l'Auror, elle l'interpela. Celui-ci ne se tourna pas, se contentant de baisser la tête. Déçue, l'Occlumens s'approcha davantage et, voyant qu'il ne voulait toujours pas la regarder, demanda :

  — Tu m'évites ?

  — Non.

  — As-tu peur de moi, Thésée ?

  Elle ne savait pas pourquoi elle avait posé cette question. Cela semblait ne pas être le moment. Il était vrai que cela l'avait tourmentée pendant longtemps à une période. Elle n'y avait plus pensé pendant longtemps. Peut-être que le fait qu'il l'évite l'avait fait ressurgir dans ses pensées ? Cependant, elle ne s'attendait pas à obtenir une réponse si rapide :

  — Ce n'est pas de toi dont j'ai peur. Mais de ce que je ressens.

  Aysha fronça les sourcils, ne comprenant pas.

  — Qu'est-ce que tu veux dire ? l'interrogea-t-elle.

  — Je n'en avais jamais vus avant.

  La jeune femme comprit qu'il parlait des Sombrals pour détourner l'attention. Elle baissa la tête et lui apporta tout de même une réponse :

  — Les gens disent qu'ils apportent le mal. Alors qu'en réalité... seuls ceux qui ont vu la mort peuvent les voir.

  Le regard de Thésée perdit de sa lumière, alors que cette dernière était déjà faible.

  — Leta... marmonna Aysha. Je suis désolée.

  — Non, ne le sois pas, murmura-t-il en se tournant vers elle. Je t'en prie... Ne le sois pas.

  — Thésée...

  — Pourquoi ne citer qu'elle ?

  — Thésée...

  — Elle n'est pas la seule à être morte sous nos yeux, non ?

  Aysha vit des larmes apparaître dans les yeux de son ami qui peinait à les retenir.

  — C'est moi qui suis désolé. Je ne devrais pas pleurer devant toi. Je ne devrais pas t'exposer ma peine alors que tu as déjà la tienne à supporter.

  — Thésée, répéta l'Occlumens. Ne retiens pas tes larmes. C'est trop douloureux. J'en sais quelque chose.

  Face à l'air désamparé du sorcier, la jeune femme ne put que le prendre dans ses bras. Il lui rendit son étreinte et elle murmurait :

  — Dis-le. Je t'en prie, dis-le. Ça ne me blessera pas.

  Thésée mit quelque temps avant de s'exécuter.

  — Elle me manque. Leta me manque.

  Ils restèrent longtemps ainsi, Aysha recevant pour la première fois les larmes de celui qui avait amassé tant de fois les siennes. Les Sombrals les avaient longtemps regardés, tournant autour d'eux.

  Lorsqu'ils se détachèrent, les larmes de l'Auror avait disparu, ne laissant qu'une trace presque invisible que seuls les yeux d'Aysha pouvaient voir.

  — Je ne sais même plus quoi ressentir, avoua-t-il soudainement.

  L'Occlumens ne sut quoi répondre, car elle ignorait de quoi il parlait précisément.

  — Leta est morte. April est morte. C'est insensé.

  Aysha regarda longuement le sorcier avec des yeux remplis de peine. Après quelques secondes de silence, elle baissa la tête et murmura, hésitante :

  — Qu'est-ce que tu dirais si je te disais que je ne pense pas qu'April soit morte ?

  Thésée leva la tête, mais son visage n'exprimait aucun signe de surprise ou d'incompréhension. Il laissa son cœur se calmer et murmura :

  — Je ne peux écarter la possibilité que ce que tu dis est vrai.

  — Tu es sérieux ? s'étonna la sorcière. Tout le monde ne cesse de me répéter qu'elle est morte. Que je ne veux juste pas l'accepter. Car on l'a vu mourir devant nous.

  — Je suis tout à fait sérieux. J'accepte cette possibilité. Car tu y crois de toute ton âme. Et je sais à quel point nous avons souvent cru que tu avais tort lorsque tu avais raison.

  — Tu ne me prends pas pour une folle ?

  — Jamais. Jamais je ne t'ai pris pour une folle. Tu es loin d'en être une. Tu es juste... forte. Et brisée. Et juste parce qu'ils n'arrivent pas à comprendre ta douleur et ta force, à comprendre comment t'apporter de l'aide, ils te disent folle. Alors que tu ne l'es pas, Aysha.

  La jeune femme sentit les larmes lui monter. Mais elle les retint, adressant un sourire de remerciement au sorcier. Ce dernier posa sa main sur la joue de la jeune femme, lui adressa un sourire et ajouta :

  — Tu n'es pas folle. Je te le promets.

  Ils se regardèrent longuement. Chacun retenant les larmes qui menaçaient de tomber. Ils savaient très bien ce qu'il se passait. Ils savaient ce qu'ils ressentaient. Les secondes qui s'écoulèrent parurent trop longues. Ils ne semblaient pouvoir détacher le regard l'un de l'autre.

  — Thé- commença Aysha pour rompre le silence.

  Mais le sorcier se détourna, s'éloignant de la jeune femme, lui tournant le dos.

  — Tout va bien ? s'inquiéta l'Occlumens.

  — Oui. C'est juste... Leta.

  — Leta.

  Il y eut un silence. Même les Sombrals se retenaient de ne faire aucun bruit. C'était comme s'ils s'étaient enfermés dans leur bulle pour n'être dérangés de rien, ni de personne.

  — Je ne suis pas prêt à aimer à nouveau, murmura-t-il soudainement.

  Cela surprit Aysha qui ne sut pas réellement quoi répondre.

  — Oh. Euh... Oui, balbutia-t-elle. Je comprends. C'est... Oui. Je comprends.

  Tous deux se turent. Comme si quelque chose entre eux venait de se briser. Peut-être un peu le cœur d'Aysha. L'Occlumens poussa un long soupir, essayant de faire redescendre la pression. Ce fut alors qu'elle proposa :

  — Et si on recommençait du début ?

  — Du début ? l'interrogea Thésée en se tournant vers elle. Comment ça du début ?

  — On oublie tout. Tout le mal que l'on s'est fait. On recommence. Redevenons ce que nous étions avant. Quand nous rions à toutes les occasions possibles. Quand nous créions ces occasions de toutes les manières possibles. Redevenons les amis que nous étions. Serais-tu prêt à le faire ? Pour moi ? Pour nous ?

  Le jeune homme fixa longuement son amie. Jamais il n'aurait cru qu'elle allait lui proposer une telle chose. Voyant qu'il ne répondait pas, elle ajouta :

  — Ça pourrait nous permettre de nous pardonner l'un à l'autre. Si on recommence...

  — D'accord, la coupa-t-il. J'accepte.

  Ils se regardèrent un moment et Thésée s'approcha pour lui tendre la main. Face à l'air d'incompréhension d'Aysha, il murmura :

  — Thésée Dragonneau, enchanté.

  Aysha lui adressa un timide sourire tandis qu'elle lui serrait la main en retour.

  — Aysha Wilson, enchantée.

  Ils se lâchèrent et tous deux émirent de légers rires. Il y eut un moment de flottement durant lequel aucun d'eux ne savait quoi dire. Alors, Aysha recula de quelques pas et expliqua :

  — Je vais... euh... retrouver Jenny pour l'aider à réviser sa prochaine épreuve.

  Thésée n'eut pas le temps de répondre qu'elle s'en allait déjà. Il la regarda s'éloigner, chacun de ses pas semblant être un nouveau trou dans son cœur. Le sorcier préféra donc se tourner vers les Sombrals qu'il fixa longuement.

  Plongé dans ses pensées, il n'entendit pas son frère arriver.

  — Aysha m'a dit qu'il y avait des Sombrals.

  Thésée se tourna vers son benjamin et lui adressa un sourire triste qu'il remarqua.

  — Tout va bien ?

  — Je... hésita l'Auror. Oui.

  Norbert s'approcha de quelques pas pour arriver face à son frère.

  — Je ne crois pas, non.

  L'aîné des Dragonneau baissa la tête et expliqua finalement :

  — C'est juste que je viens de dire à Aysha que j'étais d'accord pour qu'on recommence tout du début. Qu'on oublie tout le mal qu'on s'est fait. Mais, dans ce mal, il y a aussi tout ce qui nous a forcés à évoluer. Et puis, je lui ai aussi dit que je n'étais pas prêt à aimer à nouveau...

  Il se mordit la lèvre, ne pouvant plus continuer.

  — Thésée... chuchotait Norbert. N'aie pas peur de te confier si c'est ce dont tu as besoin.

  L'Auror leva la tête vers son frère, celui-ci pouvant donc voir les larmes qui avaient empli ses yeux. Il ferma la yeux, se retenant de pleurer, et tourna la tête afin de murmurer dans un souffle :

  — Mais... Je suis amoureux d'elle.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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