Les Animaux Fantastiques
Tome 3


Chapitre douze

  La lumière émanant des fenêtres de la maison d'Anne et Richard Dragonneau leur indiquèrent rapidement que ces derniers n'étaient pas endormis malgré l'heure tardive. Il faisait si froid que tous serraient les dents, retenant au maximum les frissons parcourant leur corps. Tina et Norbert étaient presque blottis l'un contre l'autre avançant devant tout le monde. April n'avait pas sorti les mains de ses poches depuis qu'ils étaient sorti de chez Queenie et Jacob alors qu'Helena devait les garder au niveau du haut de son manteau qui avait décidé de ne pas se fermer. Aysha avait si froid que ses cheveux avaient pris une légère teinte bleutée alors que Thésée gardait tout ses muscles contractés pour ne pas trembler.

  April fut la première à courir vers la porte d'entrée pour frapper. Elle n'avait pas été aussi silencieuse depuis un long moment.

  La porte s'ouvrit sur une Anne à l'air soucieux, mais à peine eut-elle vu qui se tenait devant elle qu'un immense sourire étira ses lèvres. Elle se décala pour les laisser passer, marmonnant pour ne pas faire trop de bruit :

  — Entrez, entrez. Ne restez pas dans le froid.

  Ils ne se firent pas prier, presque prêts à bénir la chaleur de la maison dans laquelle ils venaient d'entrer. Anne enlaça Norbert et Tina, visiblement ravie de les voir et cria soudain :

  — Richard ! Viens voir qui va là !

  Thésée venait d'arriver devant sa mère et il la prit dans ses bras avant de s'excuser après l'avoir lâchée :

  — Je suis désolé que nous débarquions à l'improviste.

  — Ne t'excuse pas mon chéri, ça me fait toujours plaisir de vous avoir tous. Nous nous apprêtions à passer à table. Je peux ajouter des couverts. Richard avait prévu pour dix comme d'habitude.

  Elle ne laissa pas le temps à son aîné de répondre et se tourna vers Aysha pour la prendre à son tour dans ses bras.

  — Je suis heureuse de te revoir Aysha. Tu es frigorifiée aussi ! J'espère que vous ne tomberez pas malades. Quelle idée de se balader dehors avec cette température !

  Anne n'avait toujours pas lâché l'Occlumens lorsqu'April commenta :

  — Thésée lui tiendra chaud.

  La vieille femme s'éloigna alors de la jeune femme pour l'observer, ainsi que son fils dont le regard semblait soudainement attiré par le plafond.

  — Alors il vous suffit de partir quelques jours aux États-Unis pour faire ce que vous auriez dû faire depuis des années ? s'amusa la vieille femme.

  April émit un léger rire avant de disparaître dans la salle à manger à la suite de Norbert et Tina. Ce fut cette fois Richard qui apparut dans le couloir, un immense sourire sur les lèvres :

  — Ai-je bien entendu ?

  Il ne leur laissa pas le temps de répondre et vint enlacer son fils comme il ne l'avait jamais fait, ce qui fit rire Aysha, mais ce fut bientôt son tour.

  — Allez ! s'exclama alors Anne. Allons manger !

  Sur ces mots, tous allèrent s'asseoir autour de la table de la salle à manger, discutant des dernières nouvelles - celle quant à la mort de Croyance arrivant rapidement, changeant drastiquement l'atmosphère. Ne sachant plus quoi dire, Anne se leva pour aller ramener de la vaisselle dans la cuisine, Aysha l'imitant immédiatement. Elles quittèrent la pièce, entendant la discussion reprendre grâce à Richard, qui semblait avoir fait un commentaire à propos de Thésée.

  Aysha déposa les assiettes près de l'évier, alors qu'Anne se dépêchait de fermer la porte, ce qui étonna l'Occlumens. Elle se tourna vers la vieille femme qu'elle vit s'approcher. Sans qu'elle puisse comprendre ce qu'il se passait, Aysha se retrouva de nouveau dans les bras d'Anne qui resta silencieuse en la serrant fortement, caressant son dos. La Métamorphomage ne put que répondre à cette étreinte sans même en connaître la raison.

  Elles restèrent ainsi un long moment avant qu'Anne ne se décide enfin à lâcher la jeune femme pour s'expliquer :

  — Désolée, Aysha. C'est juste que je suis vraiment heureuse pour Thésée et toi. Je n'aurais pas pu rêver d'une meilleure presque belle-fille que toi.

  Elle posa sa main sur la joue de la Métamorphomage et sourit :

  — Tu as une place importante dans nos cœurs depuis toujours, à mon époux et moi. Tu es un peu comme... notre fille.

  Les yeux d'Aysha s'emplirent de larmes tant elle était touchée. Jamais elle n'avait entendu quelqu'un lui dire une telle chose. Et que cela vienne d'Anne et Richard lui faisait encore plus de bien.

  — Je n'ai jamais osé vous le dire... murmura Aysha. Mais... Vous savez... je passais tout mon temps chez vous dès lors que nous étions en vacances. Et je considérais votre maison comme la mienne. Parce qu'il n'y avait qu'ici où je me sentais vraiment chez moi et aimée. Et vous, Richard et vous, avez rendu ma vie meilleure et un peu plus douce. Vous m'avez offert la possibilité de connaître quelque chose auquel je pensais avoir été privé quelques jours seulement après ma naissance. Vous êtes plus que des amis, plus que les parents de celui que je considère comme mon frère et de celui que j'aime. Vous êtes ma famille depuis toujours. Vous avez toujours été importants pour moi. Même quand je me suis disputée avec Norbert. Une part de moi me détestait aussi pour ce que je vous avais fait. Et j'avais si peur de vous avoir déçue et que vous ne me considériez plus jamais comme quelqu'un de bien.

  Aysha se tut, une larme roulant sur sa joue qu'Anne essuya rapidement avec son pouce, comme l'avait fait si souvent Thésée.

  — Nous n'avons jamais été déçus de toi, Aysha. Tu as eu une vie difficile. Ça t'a fait du mal. Et tu es courageuse, car tu as su passer outre toutes les épreuves qui se sont levées sur ton chemin. Tu avais le droit de mal agir parfois. C'est la vie qui n'a pas été tendre avec toi. Et tu t'es simplement battue pour survivre. Tu as dû construire une armure pour te protéger et, parfois, cette armure prend le dessus au point de te protéger en dépit des autres. Mais tu n'es pas une mauvaise personne. Tu es juste une personne à qui il est arrivé de mauvaises choses.

  Aysha sourit et prit Anne dans ses bras pour la remercier silencieusement.

  Soudainement, la porte s'ouvrit sur Richard qui apportait les assiettes restées sur la table. Il s'arrêta un instant pour les regarder alors qu'elle se séparaient et demanda :

  — Tout va bien ?

  — On ne peut mieux, lui assura l'Occlumens avec un immense sourire. Je suis juste... heureuse.

  Richard lui adressa un sourire encore plus grand, ravi d'entendre cela. Ils finirent tous les trois de nettoyer et ranger la vaisselle avant de rejoindre la salle à manger où il ne restait plus que Thésée, occupé à lire un article, et Norbert, sa valise ouverte sur ses genoux.

  — Où sont les autres ? demanda alors Aysha en entrant dans la pièce.

  — Tina doit être au premier étage et Helena et April sont passées dans le salon, répondit Thésée. Ça me fait penser que je dois aller chercher quelque chose en haut.

  Il se leva, passa derrière Aysha, sans manquer de lui sourire, et disparut. Anne et Richard s'assirent près de Norbert pour discuter, tandis que l'Occlumens allait dans le salon pour retrouver Helena et April qui semblaient se battre pour elle ignorait quoi.

  — Qu'est-ce qu'il vous arrive ? demanda alors la Métamorphomage en se retenant de rire.

  Les deux Aurors arrêtèrent de se chamaîller pour se tourner vers la nouvelle venue et lui adressèrent d'immenses sourires innocents. Aysha leva un sourcil, un sourire moqueur étirant ses lèvres.

  — Qu'est-ce que vous mijotez toutes les deux ?

  — Rien, répondit innocemment Helena.

  — On parlait du prénom de tes futurs enfants, rétorqua April sans réfléchir.

  Aysha secoua la tête, sachant tout à fait que ce n'était pas leur sujet de discussion.

  — Vous ne savez pas mentir, se moqua-t-elle.

  — Par contre, intervint son aînée, ça, c'est un bon sujet de conversation ! Il faudrait que tu aies au moins deux enfants pour qu'April et moi, nous soyons marraines.

  — Mais ! s'exclama soudain April. Je ne veux pas être marraine ! Ça voudrait dire que je devrais m'occuper du gosse si Thésée et Aysha meurent ! Moi, je veux juste être la tante cool. Quand on est la tante cool, on a juste les enfants dans les bons moments, et dès qu'on les trouve un peu trop chiants, on les renvoie à leurs parents.

  Helena émit un léger rire, alors qu'Aysha secouait la tête, amusée :

  — Vous partez vraiment loin, commenta-t-elle. Nous n'en sommes pas encore là.

  — Oh ! C'est vrai ! railla April. Vous avez mis quinze ans pour vous décider à avouer vos sentiments - même si je n'ai pas facilité la tâche, je l'avoue - alors il faudra attendre encore vingt ans avant le mariage et trente ans de plus pour le premier enfant. Tu vas finir par avoir ton premier enfant à quatre-vingt ans. C'est possible d'ailleurs ça ?

  — Ça me paraît compliqué, répondit Helena, morte de rire. Mais c'est vrai qu'à leur rythme, on risque d'avoir déjà des cheveux blancs lorsqu'ils décideront de se marier.

  — Un couple ne se marie pas forcément, intervint Aysha sur un ton un peu trop ferme, son regard s'étant soudainement assombri.

  Helena arrêta de rire, comprenant à quoi elle faisait allusion. April semblait s'en être rendue compte aussi, car elle ne fit aucun commentaire face à cette remarque. Elles savaient que, aussi bien pour Aysha que pour Thésée, le mariage était un domaine compliqué.

  — Je vais voir Thésée, d'ailleurs, fit alors Aysha pour arrêter leur discussion.

  Elle ne leur laissa pas le temps de répondre et sortit de la pièce. Elle salua distraitement Norbert et ses parents avant d'arriver à l'étage. Elle croisa cependant Tina qui revenait des toilettes.

  — Tina ? s'étonna-t-elle. Ça va ?

  L'Occlumens avait vu à quel point elle était pâle.

  — J'ai dû attraper froid.

  Aysha s'approcha pour mettre sa main sur son front.

  — Pas de fièvre, commenta-t-elle, ce qui fit sourire la jeune femme.

  — Ça va, Aysha.

  La Métamorphomage lui adressa un timide sourire et vit le regard de Tina se poser sur une photo. Elle se tourna aussi vers cette dernière et constata qu'il en s'agissait d'une très ancienne avec seulement Anne, Richard, Thésée et un bébé tout juste né. April regarda la date écrite sur le coin droit et compris qui était l'enfant.

  — Kate, murmura-t-elle.

  Tina leva la tête vers son amie et admit :

  — Norbert m'en a parlé briévement, mais lui-même en sait peu, alors...

  — Kate est née en 1896. Un an après Thésée. Un an avant Norbert. Comme tu peux le voir, Anne était déjà enceinte de Norbert sur cette photo.

  Tina écoutait la jeune femme avec intention.

  — C'est Anne qui m'en a parlé. Elle disait qu'elle était plus calme que Thésée, mais moins que Norbert. Elle avait des yeux bleus et quelques cheveux blonds. Elle n'avait pas encore un an lorsque la Dragoncelle a touché Anne. Elle a survécu, mais Kate a aussi été confrontée à la maladie et elle était trop jeune pour se battre...

  Des larmes avaient empli les yeux de Tina et Aysha savait très bien à qui elle pensait. Elle se tourna vers elle et lui attrapa la main. Leurs yeux se rencontrèrent. Cela leur suffit pour se comprendre.

  — Je suis vraiment heureuse de t'avoir rencontrée, Tina, avoua finalement Aysha. Tu es probablement ma meilleure rencontre depuis des années. Jamais je n'aurais pensé trouvé en quelqu'un, une personne qui se rapprochait autant de ce qu'Emy aurait dû être pour moi.

  La sorcière parut sincèrement touchée par cet aveu et ne put que sourire, sa gorge étant nouée.

  — Dis-moi ce qui ne va pas, Tina, reprit l'Occlumens en lui tenant toujours la main. Tu peux tout me dire. Je suis prête à t'écouter.

  — C'est juste que... C'est idiot...

  — Je suis sûre que non.

  Tina déglutit avant de révéler :

  — Je suis effrayée par ce qui se passe. Je veux dire... Nous faisons partie des principales cibles de Grindelwald. Queenie et Jacob aussi. Et j'ai peur pour eux et pour Norbert et pour tout le monde. Mais j'ai aussi peur pour mon neveu ou ma nièce à venir. Car les temps sont si sombres et je suis effrayée à l'idée que Grindelwald pourrait vouloir se servir de leur enfant. Je suis effrayée de perdre de nouveau des personnes que j'aime. Et je me sens si nulle de te dire ça, à toi, qui a déjà tant perdu.

  Aysha resserra son emprise sur la main de la jeune femme pour lui assurer :

  — Tu n'as pas à te sentir nulle. Tu ne l'es pas. Moi aussi j'ai peur. Moi aussi je suis effrayée. C'est normal par les temps qui courent. Mais nous sommes tous prêts et assez forts pour nous protéger. Aie foi en cela.

  Tina cligna des yeux, semblant lui faire comprendre qu'elle essaierait. Puis, elle baissa les yeux et murmura :

  — J'en viens à me demander si Norbert voudrait des enfants dans ce monde. Moi, j'aimerais beaucoup. Ça n'a jamais été une priorité, mais maintenant que Queenie est sur le point de devenir mère, je me suis posée beaucoup de questions.

  — Je ne suis pas sûre que ce soit à moi que tu doives en parler.

  — Je sais. C'est juste que j'ai peur.

  Aysha scruta le visage de la jeune femme face à elle et sembla comprendre quelque chose. Elle la prit alors dans ses bras et murmura à son oreille :

  — C'est parce qu'il existe bien cet enfant que tu t'inquiètes, n'est-ce pas ?

  Elles se lâchèrent et Aysha put voir une sorte de soulagement sur le visage de Tina. Elle hocha la tête timidement.

  — Je suis sûre que Norbert sera vraiment heureux de l'apprendre. Je suis sûre que vous serez parfaits. Je suis sûre que Norbert serait plus que ravi d'avoir une tribu à gérer.

  Tina émit un léger rire et passa son habituelle mèche derrière son oreille. Elle regarda ensuite la sorcière face à elle et murmura :

  — Merci, Aysha. Pour tout.

  L'Occlumens lui sourit et l'américaine reprit :

  — Je crois que tu ne te rends pas compte de tout le bien que tu fais autour de toi. Mais... tu es un peu comme... un ange gardien.

  Aysha sourit, amusée. Finalement, Tina admit :

  — Et je t'aime, c'est vrai.

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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