Les Animaux Fantastiques
Tome 1


Chapitre dix-huit

  Le soleil avait choisi d'éclairer le ciel en ce samedi matin et l'agitation dans le village de Pré-au-Lard battait déjà son plein. Tout en évitant les nombreux passants qui allaient et venaient dans les différentes boutiques et les différents pubs, Helena, Aysha et April se dirigeaient vers le château. Cette dernière rechignait à devoir se rendre dans son ancienne école, pour être enfermée dans un bureau à parler de choses qui ne l'intéresseraient sûrement pas, alors que le reste de leurs camarades profitaient du soleil et du village. Sa meilleure amie parvenait à slalomer entre les passants tout en étant plongée dans la lecture d'un livre qu'elle avait acquis à sa sortie de Ste Mangouste. Sa sœur, quant à elle, observait pensivement tous les magasins devant lesquels elles passaient. Sans réellement en connaître la raison et contrairement aux deux jeunes femmes qui l'accompagnaient, elle redoutait cette discussion avec son ancien professeur. Elle savait qu'ils parleraient d'Emy - de Dean, aussi -, mais le simple fait de penser à sa sœur cadette lui faisait du mal.

  Depuis qu'elles étaient petites, Helena avait compris que la personnalité d'Emy n'était pas des plus nobles. Elle n'était pas si différente de leur benjamine sur certains points, mais ses intentions étaient bien plus malveillantes que celles d'Aysha. Si cette dernière faisait le mal sans le vouloir, Emy le faisait volontairement. Combien de fois avait-elle rabaissé sa petite sœur, car elle aimait se faire bien voir de leurs parents ? Combien de fois avait-elle détruit l'unique source de bonheur de l'enfant - en dehors des animaux -, arrachant et brûlant les pages de ses livres préférés ?

  Pourtant, il semblait que la jeune femme éprouvait un minimum de respect pour son aînée qui n'avait jamais rien subi de tel de sa part.

  — Arrête donc de rêvasser ! Tu pars dans la mauvaise direction ! hurla April, la sortant de ses pensées. À moins que tu veuilles faire une petite baignade en compagnie de notre ami le calmar géant. Tu aurais alors des goûts très étranges en matière d'hommes.

  Si Aysha, toujours le nez dans son livre, avait émis un léger rire, Helena baissa la tête et rejoignit ses camarades. Jusqu'à leur arrivée devant le bureau du professeur Dumbledore, l'aînée des sœurs Wilson se concentra sur ses pieds plutôt que sur sa traîtresse de sœur. Traîtresse... C'était bien ce qu'elle était, malgré l'envie de l'Auror de ne pas y croire.

  Ce fut April qui frappa à la porte du bureau et le professeur ne tarda pas à apparaître :

  — Bien le bonjour, très chères. Bien dormi ?

  Seule April lui apporta une réponse en haussant les épaules, alors il reprit :

  — Helena, entre donc. April, Aysha, nous ferons au plus vite. Vous pouvez aller dans la pièce voisine en attendant. Elle est vide.

  Toutes trois s'exécutèrent sans un mot et Dumbledore ferma la porte derrière son ancienne élève. Ils s'assirent l'un en face de l'autre, séparés par le bureau étonnement rangé du professeur. Ce dernier laissa quelques secondes de silence s'écouler avant de commencer :

  — Merci d'avoir accepté cette entrevue.

  — Il n'y a pas de quoi. Je suppose que c'est nécessaire.

  Face à l'air triste de la jeune femme, Albus lui adressa un sourire réconfortant et reprit :

  — J'aimerais d'abord savoir comment tu vas ? Les récents événements n'ont pas été des plus joyeux et je pense que tu es l'une des plus touchés. Tu étais proche d'Emy, n'est-ce pas ?

  — C'était ma sœur, alors, plus ou moins, oui. Je ne dirais pas que j'avais avec elle la relation de rêve. Nous étions... Je ne saurais le définir. Nous étions plus unies par la peur. J'avais peur qu'Emy commette l'irréparable et elle avait peur que je... Je ne sais pas de quoi elle avait peur en réalité. Peut-être car j'étais son aînée ?

  — Les relations entre frères et sœurs ne sont pas toujours faciles. Je suis bien placé pour le savoir. Tu n'as pas à te reprocher quoi que ce soit. Tu n'es pas coupable des décisions d'Emy.

  — Devrais-je m'en sentir coupable ? Ce n'est pas pour ses choix que je m'en veux, mais pour ne jamais être parvenue à la remettre sur le droit chemin.

  — Pensais-tu qu'elle pouvait rejoindre Grindelwald ?

  — Oui. Honnêtement, oui. Ses idées n'ont jamais été loin de celles de Grindelwald.

  — Et Dean ? l'interrogea le professeur, non étonné de ses propos.

  — Je connais très peu Dean. Mais ce que je sais sur lui me suffit pour savoir que ça ne lui ressemble pas.

  — Pourquoi donc l'aurait-il rejoint selon toi ?

  — Je... Je n'en ai aucune idée. Dean n'a jamais voulu autre chose que le bonheur des autres. S'il a fini par adhérer aux idées de Grindelwald, c'était peut-être parce qu'il pensait que c'était la meilleure manière de rendre les gens heureux. Dans ce cas, c'est autant un problème, car il adhère à ces idées pour ce qui lui semble être le bien.

  — Pour le plus grand bien.

  Helena fixa l'homme face à elle, surprise de le voir si triste.

  — Tout va bien ? s'inquiéta-t-elle.

  — Oui. Et toi ?

  — Ça peut aller.

  Ils se regardèrent un instant avant que le professeur ne reprenne :

  — As-tu des doutes sur d'autres de tes camarades ?

  — À part Queenie, non. Je sais que Manuela soupçonnait Aysha d'être l'une des partisantes de Grindelwald, ce qui a conduit à une dispute avec April. Cette idée est vraiment idiote après ce qu'il s'est passé au manoir...

  — Savais-tu qu'elle résistait au sort Doloris ?

  — Je l'ignorais... Et... je ne comprends pas comment une telle chose est possible. Mais, je sais maintenant qu'il s'agit de l'une de ses rares faiblesses, alors plus personne ne lui demande rien.

  — Il vaut mieux, lui assura Albus. Et, as-tu des doutes sur Queenie seulement car elle avait rejoint Grindelwald ?

  — En partie. Mais c'est sûrement, car je ne la connais pas. Je n'arrive pas à me détacher de l'idée que tout cela peut être une mise en scène. Je n'ai plus confiance en rien. Hormis en April et Aysha. Je crois qu'elles sont les seules en qui j'ai encore pleinement confiance.

  — Pourquoi ? la questionna Albus.

  — Sûrement car April a toujours été très attachée à ses opinions qui divergent grandement des idées de Grindelwald. Et Aysha a toutes les raisons de ne pas le rejoindre. Elle n'a jamais considéré les Moldus comme inférieurs ou cruels. Elle adore leur littérature et comme elle aime si bien le dire, l'écriture est une extension de l'âme, car elle permet à l'auteur de dire ce qui ne peut être dit et de partager une opinion qu'il n'a pas le droit d'exprimer.

  — Je vois. Je partage ton avis. Merci de m'avoir accordé ton temps. Je pense que ça suffira pour moi. Tu peux faire venir April.

  La jeune femme hocha la tête, se levant, et se dirigea vers la porte. Alors qu'elle allait l'ouvrir, Albus lui dit une dernière chose :

  — N'hésite pas à venir me voir si tu as besoin de parler.

  Helena ne répondit rien et sortit sans un mot. Elle se dirigea alors vers la pièce voisine où Aysha et April discutaient.

  — C'est à ton tour, annonça-t-elle en désignant l'ancienne Poufsouffle.

  — C'est pas trop tôt.

  Tandis que la jeune femme se levait pour rejoindre le bureau, Helena vint s'asseoir à côté de sa sœur. April ne prit pas la peine de frapper à la porte et entra directement dans le pièce ce qui ne sembla pas étonner Dumbledore.

  — April, fit-il en l'invitant à s'asseoir.

  — J'espère que nous ne sommes pas convoquées parce que tu nous soupçonnes d'être de mèche avec Gellert.

  — Je n'oserais pas, lui assura le professeur.

  — Alors, pourquoi vouloir nous parler ?

  — Tu as récemment perdu deux personnes qui vous ont trahis. Cela peut être un choc.

  — Dean et moi nous détestions depuis notre départ de Poudlard et je n'ai jamais apprécié Emy. Elle est insupportable. Je ne souffre aucunement de leur trahison.

  — De quoi souffres-tu alors ?

  April observa un instant Albus, surprise par sa question, et répondit :

  — Je vais bien. Je ne souffre de rien.

  — Je ne te crois pas.

  — Je n'en vois pas la raison, lui assura la jeune femme en émettant un rire qui sonnait faux.

  — April... Tu as perdu ton frère et -

  — C'était il y a trois ans. J'ai eu le temps de m'en remettre.

  — Leta est morte il y a peu, continua le professeur.

  — Nous n'étions pas aussi proches que tous semblent le croire. Elle me manque, oui, peut-être, mais je n'en souffre pas.

  — Ce n'est pas parce que tu penses devoir être forte que tu dois l'être.

  — Mais puisque je dis que je vais bien !

  L'Auror s'appuya contre le dossier de sa chaise avant de reprendre sur un ton dur :

  — Je n'ai pas besoin d'être protégée. Celui qui tentera de me protéger finira par avoir besoin d'être protégé. Je ne suis pas sans défense. Et, je ne suis pas Aysha, je n'ai pas besoin d'aide.

Face au regard à la fois surpris et peiné de l'homme, elle s'exclama :

  — Quoi ?! Vous considérez tous Aysha comme une personne sans défense. Comme si elle était votre fille, votre sœur... Vous l'aimez plus qu'elle ne s'aime elle-même. Mais que connaissez-vous d'elle ? Tu l'as eue comme élève pendant trois ans seulement. Penses-tu la connaître, Albus ? Que sais-tu d'elle ?

  Dumbledore parut étonné et tenta alors :

  — Savais-tu qu'elle résistait au sort Doloris ?

  — Je sais bien des choses. Mais ça ne veut pas dire que je vais t'en faire part. La véritable sagesse est de savoir quand il faut se taire. Seule Aysha peut décider qui doit être au courant ou non.

  — Tout tourne donc autour d'un choix. Tu réalises quelle importance cette particularité a ?

  — C'est justement pour éviter de se retrouver le sujet d'études qui n'abouttiront à rien que cela doit rester secret. Aysha s'est confiée à moi. Jamais je ne la trahirai. J'emmènerai son secret jusqu'à ma tombe.

  — Tu es une personne remarquable.

  — Ça, je le savais déjà. Mais merci quand même.

  — Ton arrogance feintée ne satisfait pas tout le monde, April.

  — J'ai surtout l'impression que vous voyez le mal partout.

  — Peut-être car il est partout, marmonna Albus. Le mal est en chacun de nous et il ne tient qu'à notre propre personne de l'exposer ou non.

  — Parfois, des éléments extérieurs nous poussent à faire le mal. Mais demande donc à Thésée. Faire le mal, ça, il connaît.

  — Tu exagères sûrement. Thésée est une bonne personne.

  — Qui a visiblement choisi de montrer le mal en elle, répliqua la jeune femme. Vous ignorez bien des choses vous autres. Fais-toi abandonner alors que tu as besoin d'aide, fais-toi ignorer alors que tu as besoin d'attention, qu'on te brise plus que tu ne l'es déjà et qu'on te laisse au bord du désespoir. Peut-être qu'ainsi tu comprendras. Tu comprendras ce que sont les vies des personnes telles qu'Aysha et Helena ou même encore moi. Quand tu ne seras plus capable de regarder ton reflet dans le miroir sans être dégoûté de ce que tu vois, tu sauras ce qui consume Aysha. Quand tu ne pourras plus jamais vivre sans la culpabilité d'avoir brisé la vie de quelqu'un, tu comprendras les maux d'Helena. Quand tu te sentiras arraché de toute part et que tu seras incapable de te sentir à ta place, tu cesseras de me demander si je vais bien. Si tu veux comprendre, vis-le. Alors, tu sauras.

  Albus ne put répondre, abasourdi par les propos d'April. Cette dernière se leva alors et, avant de quitter la pièce, elle murmura :

  — Ne dis à personne ce que j'ai pu te dire. Je n'ai jamais parlé aussi sagement de ma vie et je ne veux pas qu'on pense que j'apprécie les répliques assommantes de vieux singes - sages, pardon.

  Sur ces mots, elle quitta le bureau, y laissant un homme perdu, qui n'était pas prêt à recevoir la troisième personne qu'il avait convoquée. Mais celle-ci frappait déjà à la porte...

Louise Garénaux - Auteure passionnée
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